Beaucoup de dirigeants d’entreprises redoutent le moment où ils devront transmettre leur affaire. La peur du vide. La peur du fisc aussi ! Une crainte fiscale plutôt injustifiée, une fois n’est pas coutume, tant il existe de dispositifs fiscaux de faveur en direction des chefs d’entreprise qui passent la main. A ce titre, la transmission, par donation ou par décès, d’une entreprise exploitée sous la forme d’une société, qu’il s’agisse notamment d’une SA, d’une SAS ou d’une SARL, ouvre notamment droit à un régime particulièrement favorable. On parle du dispositif Dutreil, ou du Pacte Dutreil. Il exonère de droits de mutation à hauteur de 75 % de leur valeur les titres transmis. Explication.
Les conditions d’application du Pacte Dutreil
Cette exonération de 75 %, comme tout dispositif favorable au contribuable, suppose de respecter de nombreuses conditions. De très nombreuses conditions. Les titres transmis doivent notamment faire l’objet d’un engagement de conservation, collectif puis individuel. Sans oublier les habituelles obligations déclaratives !
Un engagement collectif de conservation
Les titres transmis doivent donc d’abord avoir fait l’objet d’un engagement collectif de conservation pris par le donateur ou le défunt (selon qu’il s’agit d’une donation ou d’une transmission par décès), pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec un ou plusieurs autres associés de la société.
Un engagement « collectif » qui peut également être pris par… une personne seule ! En d’autres termes, le dispositif Dutreil bénéficie aussi aux transmissions de sociétés unipersonnelles (EURL, SASU…).
D’une durée minimale de 2 ans, cet engagement collectif commence à courir à compter de l’enregistrement de l’acte le constatant (pour un acte sous seing privé) ou de la date de l’acte (pour un acte authentique). L’engagement devant, en principe, être en cours au jour de la transmission.
En outre, cet engagement collectif doit porter sur un certain quota de titres. Quota fixé, depuis le 1er janvier 2019, à au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote (pour une société non cotée). Des quotas qui doivent être respectés pendant toute la durée de l’engagement collectif.
Point important, en l’absence d’engagement collectif pris avant la transmission, deux cas permettent néanmoins de bénéficier de l’exonération partielle.
Ainsi, l’engagement collectif peut être « réputé acquis » lorsque le donateur ou le défunt, seul ou avec son conjoint ou partenaire de Pacs, détient, directement, et depuis au moins 2 ans, le quota de titres requis et que l’un d’eux exerce dans la société depuis plus de 2 ans, selon les cas, son activité professionnelle principale ou une fonction de direction.
Deuxième exception : l’engagement de conservation peut aussi être pris post mortem, dans les 6 mois du décès, par un ou plusieurs héritiers, entre eux ou avec d’autres associés.
Un engagement individuel de conservation
Au jour de la transmission, chaque donataire ou héritier doit prendre l’engagement individuel de conserver les titres transmis pendant au moins 4 ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif de conservation pris précédemment ou de la transmission si l’engagement collectif est réputé acquis.
Étant précisé que l’engagement individuel peut ne porter que sur une partie des titres transmis, l’exonération de 75 % étant alors limitée à la fraction des titres faisant l’objet de cet engagement.
Exercice professionnel de l’activité ou direction de la société
Autre condition à respecter, l’un des donataires ou héritiers ayant pris l’engagement individuel, ou l’un des associés ayant souscrit l’engagement collectif, doit exercer pendant la durée de l’engagement collectif et pendant les 3 ans qui suivent la transmission soit son activité professionnelle principale (dans le cas d’une société de personnes), soit une fonction de direction (dans le cas d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés).
Les obligations déclaratives à respecter
Enfin, des attestations certifiant du respect des conditions d’application du régime de faveur doivent être produites en début et en fin de régime et, le cas échéant, sur demande de l’administration fiscale, par les bénéficiaires de l’exonération.
Pour finir, un conseil : faites-vous surtout conseiller ! La question est complexe, les conditions à respecter nombreuses, et le sujet de la transmission ne se limite pas à la fiscalité ! par ailleurs, il existe d’autres dispositifs fiscaux qui pourraient se révéler plus avantageux, notamment dans le cas de plus en plus répandu où vous ne souhaiteriez pas transmettre à titre gratuit à 100 % votre entreprise mais opter pour une transmission mixte, pour partie gratuite et pour partie à titre onéreux !
La remise en cause de l’exonération
L’exonération Dutreil de 75 % peut être remise en cause si les engagements collectifs et individuels ne sont pas respectés, notamment en raison de la cession des titres de la société pendant la durée de l’engagement collectif de conservation.
La cession entre signataires du pacte Dutreil
Avant la transmission, les signataires du pacte Dutreil et leurs ayant causes à titre gratuit peuvent réaliser entre eux des cessions ou des donations de titres soumis à l’engagement, dès lors que les autres conditions demeurent respectées. En revanche, après la transmission, si l’un des bénéficiaires de l’exonération (héritier ou donataire) cède ou donne, au cours de l’engagement collectif, une partie des titres reçus, à un autre signataire du pacte, l’exonération est remise en cause, mais seulement à hauteur des titres cédés ou donnés.
La cession à une personne étrangère au pacte
Autre cas possible : la cession ou de donation de titres à une personne étrangère au pacte pendant la durée de l’engagement collectif. L’exonération est alors remise en cause en totalité pour le cédant. Toutefois, le pacte demeure valable pour les autres signataires, sous réserve qu’ils conservent leurs titres jusqu’au terme initialement prévu et que les seuils de détention requis continuent d’être respectés. Le cessionnaire peut même s’associer à l’engagement collectif à raison des titres cédés afin que les seuils de détention demeurent respectés. Dans ce cas, l’engagement doit alors être reconduit pour au moins 2 ans.