samedi 23 novembre 2024
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Les pommes de Pierre Kretz pour rassembler l’Alsace

Notre chroniqueur Ambroise Perrin nous propose pour cette rentrée une série qu'il intitule « Ce jour-là (en Alsace !) j'étais là... ». Chaque semaine une intrépide plongée littéraire dans des textes qui jalonnent l'identité de notre région. Cela commence toujours par une date précise pour raconter, avec un peu de dérision, une petite histoire. La littérature ayant le privilège de ne pas vérifier si tout est vrai, il reste l'essentiel, amuser les lecteurs de Maxi Flash.

Le 11 octobre 2014, il y a place de Bordeaux à Strasbourg des remorques pleines de pommes. Ce sont les agriculteurs du Kochesberg qui sont venus manifester contre le Grand Est et son destin, il faut prononcer grand intestin. Il y a vraiment beaucoup de monde pour croquer les pommes et je vois un chapeau en feutre brun et un monsieur qui sourit en col roulé, c’est Pierre Kretz qui proteste ! ça rime presque !

Comme il habite au pied du Taennchel qui culmine quand même à 989 mètres et qu’en plus c’est dans le Haut-Rhin, je lui demande où il a garé sa voiture, et il me répond qu’il y a de la place partout chez ceux qui avaient refusé l’annexion par Bismarck de l’Alsace à la Prusse : rue Jacques Kablé, rue du chanoine Winterer, rue Charles Appel, rue Édouard Teutsch… On fait le tour de la place de Bordeaux, c’est là que je travaille à la télévision et Pierre me dit que le hasard fait parfois les choses de manière étrange, car c’était à Bordeaux que l’Assemblée nationale s’était retirée en 1870, quand les Prussiens sont arrivés à Paris. Et maintenant c’est place de Bordeaux qu’on proteste contre les Parisiens !

On croque une pomme un peu loufoque en somme… On fait attention, il y a une bande au profil de nazillons aux crânes rasés qu’on sent prêts à la castagne. On va se réfugier derrière les écharpes tricolores des maires venus se montrer en toute légitimité. Au micro on prononce de grandes phrases et le petit mot qui revient tout le temps, c’est « destin ».

La Marseillaise éclate comme une orange trop mûre lancée sur un mur blanc. Ce n’est pas irrévérencieux, c’est du Boris Vian qu’on étudie au lycée. « Tu sais qu’il y a une rue Boris Vian à Hautepierre », me dit Pierre ? (Il est assez petit, mais c’est un grand écrivain que j’admire). Alors moi aussi je fais le malin : Et toi tu sais qui a dit « ne touchez pas aux affaires de l’Alsace ? C’est Louis XIV ! »

Le nouveau malaise alsacien, Pierre Kretz, Le Verger, 2015.

Ambroise Perrin

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