C’est une fillette vive qui parle en chantant, amuse les gens du bourg, invente des rimes, aime se déguiser. Dans les affres de la Guerre, elle profère en pleine rue un petit hymne de son invention : «Hitler dè Bock, scheiss in dè Rock» plus ou moins bien accueilli par les riverains…
À l’école, Gritt fait découvrir à sa maîtresse un autre de ses dons, le dessin. Et quand cette dernière scande : «Marguerite au tableau !», Gritt fait profiter ses camarades de ses belles illustrations de leçons de choses. Quand arrive la guerre, l’idée de rejoindre une école d’art s’efface, Gritt gère les priorités et connaît la faim. Elle raconte avoir quémandé un œuf chez une fermière d’un village environnant : « Un œuf, juste un œuf s’il vous plaît ». Bien sûr la paysanne, agacée, lui refuse et lorsque Gritt lui lance, dans un dernier espoir teinté de dérision « alors juste un demi-œuf ! », elle s’en voit octroyé un entier ! Après-guerre, Gritt fonde sa famille avec son mari Émile et se remet à dessiner avec les moyens de l’époque, sur du bois contre-plaqué et des galets avec les gouaches de ses cinq enfants.
Mais Gritt réalise vite son rêve d’huile sur toiles et perfectionne pendant des heures, seule, sa technique jusqu’à la dernière touche. Ses créations ne sont pas des copies, mais sortent de son imagination ou de souvenirs issus de sa très bonne mémoire visuelle. Elle crée ainsi de nombreux tableaux et se lance même dans la décoration des volets et de la façade de sa coquette maison, toujours très admirée par les touristes dans le joli quartier du Bruch.
Aujourd’hui Gritt a de petites douleurs au bras, mais griffonne encore au crayon. Quand on lui demande ce qui lui procure du plaisir dans l’expression artistique, elle répond avec son humour toujours teinté d’audace « j’aime bien quand ça plaît, je peux me la jouer » !