mercredi 27 novembre 2024
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Simone Morgenthaler – Pâques, du plus loin que je m’en souvienne

Pâques, du plus loin que je m’en souvienne, c’est la fête du renouveau, des œufs peints, des lapins en chocolat et des agneaux en biscuit. C’est la fête qui met de l’exubérance dans le cœur.

Puisque l’hiver est balayé, voilà que le vert des prés jaunis se remplit à nouveau de chlorophylle. À bien regarder, on y verra poindre des violettes et des primevères, tandis que les anémones sylvestres couvrent les sous-bois de blanc comme s’il avait neigé des pétales.

Les forsythias éclaboussent les jardins de jaune or. Les jacinthes, dont le parfum puissant fait chavirer le cœur, déploient leurs boucles si fermes et lisses qu’elles en semblent artificielles. Le narcisse ne demeure pas en reste : sa tige creuse file droit comme une sentinelle surmontée de cette fleur blanche à laquelle le terme alsacien Morjestarne, « étoile du matin », va si bien.

Moules en terre cuite traditionnels de Soufflenheim.
/ ©S.Morgenthaler

Les jonquilles ne me pardonneraient pas de les avoir oubliées : chaque année, leurs bulbes redonnent vie à des fleurs qui semblent faites pour Pâques, et que ma langue maternelle a baptisées « cloches de Pâques » (Oschterglocke).

Jacinthe dite Josefsblüem (fleur de Saint-Joseph) et jonquille dite Oschterglock (cloche de Pâques). / ©S.Morgenthaler

Aussi loin que je m’en souvienne, me revient la frénésie qui m’animait lorsque je partais en forêt, remplir le panier de mousse, en ayant le choix entre la grise-bleutée, qui forment des monticules ou bien celle plus verte et crantée qui permet de bien tapisser le nid. Je me souviens de la joie à colorer les œufs, à courir le matin de Pâques vers le nid de mousse, avec l’espoir d’y trouver un lapin en chocolat. Il avait souvent une hotte sur le dos surmontée de petits œufs colorés, fàrwigi Gaggele, avec un ruban de satin noué autour du cou.

Et que dire des agneaux en biscuit, d Oschterlammele, qui ravissent le cœur ? Ils avaient un drapeau en papier de soie planté dans l’échine. Il était bicolore : rouge et blanc pour les couleurs de l’Alsace, ou jaune et blanc pour les couleurs de l’église, avant de prendre d’autres couleurs : rose bonbon, bleu ciel ou vert pomme.

Le rituel des agneaux de Pâques en biscuit reste solidement implanté dans ma mémoire. J’ai conservé les moules en terre cuite venant de Soufflenheim qui sont bien plus âgés que moi. Enfant, je les trouvais si étranges avec leur allure de mouton qui a des pattes sur le dos. Il fallait réussir la pâte pour qu’elle soit légère, mais qu’elle ne soit toutefois pas trop coulante pour ne pas passer à travers l’interstice des moitiés de moules, que nous maintenions réunies grâce à un brin d’osier (e Wiidestangel) glissé puis noué à travers les endroits perforés du moule. L’osier avait un avantage sur le fil de fer : son passage au four ne le rendait pas brûlant et il était plus aisé de le défaire à la sortie de four.

Lapins en chocolat faits avec de moules à l’ancienne.
/ ©S.Morgenthaler

L’agneau défourné reposait quelques minutes avant qu’on l’ôte de son moule, en nourrissant l’espoir qu’il fût assez beurré pour permettre à la pâte de se détacher aisément, sans arracher un morceau du flanc de l’agneau, ou une oreille, l’endroit le plus fragile. Certains enfants de boulangers m’ont parfois conté le « cauchemar des petites oreilles d’agneau », lorsqu’ils devaient aider à la confection des centaines d’agneaux faits dans les derniers jours avant Pâques. La mission des enfants de boulanger consistait à bien nettoyer le moule après chaque cuisson, notamment l’endroit de l’oreille, avant de le beurrer généreusement. Malgré les soins placés dans ces gestes, il arrivait, aux mamans comme aux boulangers, que l’agneau perde une oreille une fois démoulé. Il ne servait à rien d’enrager, car nous savions que le saupoudrage avec du sucre glace pouvait amoindrir la laideur de l’oreille atrophiée.

Œufs peints pour l’arbre de Pâques.
/ ©S.Morgenthaler

Puisque Pâques nous honore de tant d’œufs accumulés durant le Carême, nous préparions une crème anglaise parfumée à la vanille, si possible avec une gousse, fendue et grattée, qui incruste dans le jaune ses sillons de petits points noirs, avant d’être surmontés par les blancs en neige.

Aussi loin qu’il m’en souvienne, nous dégustions un coq de ferme rôti dans son jus, accompagné, si la saison était suffisamment avancée, de la première laitue du jardin. Car Pâques peut se situer tôt ou tard dans le printemps, au début ou presque un mois plus tard. C’est la lune qui a le pouvoir de déterminer où la fête se situera. Que n’ai-je entendu cette phrase de Maman : d Oschtere këjt ìmmer ùf de erscht Sonndi noch’m erschte Vollschinn vom Friehjjohr. « Pâques se situe toujours au premier dimanche qui suit la première pleine lune du printemps ».

Pâques,
Oschtere en alsacien,
Ostern en allemand,

Le mot contient le nom de la déesse viking Ostara, la déesse du printemps, de l’aube et de la fertilité, Ostara la bien nommée qui arrive drapée de tant de réjouissances pour faire gazouiller nos cœurs.

Frehlichi Oschtere ! Joyeuses Pâques ! 


 

Vos recettes d’agneaux de Pâques dits Oschterlammele se trouvent sur la page d’accueil de mon site https://www.simonemorgenthaler.com

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