Après le Nord, la Bretagne, Marseille, c’est une édition alsacienne très riche, en histoire, étymologie, prononciations, anecdotes, qui vient de sortir… Comment se construit un tel livre, au fil des années ?
Pascale Erhart : Non, c’est une commande de mon collègue sociolinguiste à Marseille, Médéric Gasquet-Cyrus, qui est le directeur de la collection. Le français, ce n’est pas mon rayon, c’était un challenge en dehors de mon travail. Je me suis d’abord appuyée sur mes propres observations, celles de collègues dans le second degré, de mes étudiants, de mon entourage… Et aussi sur un ouvrage exhaustif qui est Le dictionnaire des régionalismes du français en Alsace de Pierre Rezeau. Il m’a servi de base, sachant que l’objectif n’était pas le même : j’ai écrit de manière plus libre et décontractée, c’est une porte d’entrée divertissante avec une bibliographie à la fin. Il se destine d’abord aux personnes non originaires d’Alsace qui peuvent s’étonner de certaines expressions spécifiques. Ce qui fait que les Alsaciens peuvent être frustrés, parce qu’il ne va pas assez loin, mais ils vont l’offrir aux gens, un collègue ou un beau-frère venu d’ailleurs.
Parmi les 150 expressions alsaciennes, y’en a-t-il qui se seraient exportées au-delà de nos frontières ?
En travaillant sur le livre, je me suis rendu compte que des usages sont similaires dans le Nord : le petit pain par exemple pour le pain au chocolat, qui s’explique parce qu’on est sur l’ère de transition entre langue romane et germanique. Ou des points communs avec la Bretagne, et c’est aussi l’objectif du livre, de montrer que le français est parlé couramment dans les régions en fonction des parlers dialectaux, mais aussi de l’allemand chez nous, avec les styles musicaux par exemple, le Schlager, la Volkmusik, ou le judéo-alsacien, comme Màschugge, d’un usage très ancien.
Parlez-vous le français d’Alsace ?
Une expression que j’utilise, c’est le tic de langage « comme dit », les gens ne se rendent pas compte que c’est fautif. Et fautif par rapport à quoi d’ailleurs ?
Les gens parlent comme on parle en Alsace, si vous rencontrez quelqu’un qui ne vient pas d’Alsace, ça ne veut pas dire que vous parlez mal ! En Alsace, ça se dit comme ça et ça s’explique comme ça.
L’info en plus
L’Université de Strasbourg propose depuis 2017 un cours d’initiation à l’alsacien, fréquenté en moyenne par cinquante étudiants qui complètent ainsi leur cursus de philo, d’histoire ou de sciences.