lundi 3 février 2025
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Le meilleur chef de New York – André Soltner n’est plus

André Soltner de Thann, le chef le plus décoré aux USA y était aussi le plus célèbre, car il fut, dès les années 60, le premier à être médiatisé avec son restaurant new-yorkais Le Lutèce où venaient en habitués Paul Newman et Richard Nixon. Le New York Times et d’autres journaux américains ont fait leur Une sur la mort le 18 janvier, à 92 ans, de cet Alsacien défini comme un « titan » et une « institution ».

Il incarnait l’élégance d’esprit, de cœur et de vie, mais aussi l’humilité, la jovialité et la gentillesse. Nous avons quelquefois échangé par téléphone ou par courrier. J’ai aussi une Simone, disait-il en riant, mais la mienne est Normande». J’ai eu l’occasion de le rencontrer deux fois à New York, en 2001 d’abord pour un évènement qui réunissait neuf chefs alsaciens des USA cuisinant pour une œuvre caritative. La deuxième rencontre eut lieu en 2002 pour un évènement gastronomique coordonné par un jeune chef alsacien, Pierre Schaedelin, d’Obersaasheim, qui était alors le chef du restaurant new-yorkais Le Cirque. De grands chefs internationaux (Marc Haeberlin, Alain Ducasse, Jacques Torres, Alain Sailhac, Franz Klampfer, Paul Bocuse et Juan Mari Arzak) avaient alors réuni leur talent pour un repas à l’hôtel The Pierre dont les bénéfices étaient versés à une fondation médicale.
André Soltner était resté alsacien jusqu’au bout des ongles. Et plus de soixante ans de présence en Amérique ne lui avaient pas fait oublier sa langue maternelle qu’il parlait à la perfection et dont l’accent affleurait nettement lorsqu’il s’exprimait en anglais. Il aimait l’Alsace et la promouvait avec passion. Et pourtant, il était peu connu ici. À sa mort, les médias alsaciens constatèrent qu’ils ne disposaient quasiment d’aucune photo de lui ni d’aucun document radio ou télé.

André Soltner, en mars 2001, à New York, présente au micro six chefs alsaciens des USA qui ont uni leur talent pour une soirée prestigieuse de la James Beard Foundation. De gauche à droite : Jean-Yves Schillinger, Gérard Bechler, Jean-Georges Vongerichten, Raymond Ost, Jean Joho et Hubert Keller / ©S.Morgenthaler

Jean-Yves Schillinger, le chef colmarien, a passé quelques années aux États-Unis où il avait d’abord créé le restaurant Le Destinée, puis Olica qui était situé, comme le restaurant d’André, dans la 50e rue. Tous deux se connaissaient bien. « André était un très grand monsieur », dit Jean-Yves. « Au départ, il était copain avec mon père Jean. Ils étaient de la même génération. C’est un homme qui a eu une notoriété et une réussite exceptionnelles aux États-Unis. Son restaurant fut le premier restaurant français réellement connu outre-Atlantique. Il était rempli en permanence. Lorsque je m’y suis rendu la première fois en 1986, j’étais étonné de voir que les gens faisaient la queue. Les réservations ne pouvaient être prises qu’entre 10 heures et 11 heures. Le restaurant était très vite complet. Il ne faut pas oublier qu’il est le seul chef d’origine alsacienne à avoir eu le titre de Meilleur Ouvrier de France. Il fut le chef alsacien le plus connu des États-Unis de 1960 à 1990. Puis, c’est un autre Alsacien qui a pris la relève, Jean-Georges Vongerichten, d’Illkirch-Graffenstaden. À l’annonce de sa mort, Jean-Georges lui a de suite rendu hommage, comme Daniel Boulut, Hubert Keller, Gabriel Kreuther et Thomas Keller. »

Avec Jean-Marc Fullsack de Wissembourg, professeur à l’université de San Francisco qui travailla comme cuisinier pour André Soltner, un maître adoré. / ©dr

J’ai contacté deux Alsaciens de Californie : Gérard Bechler, pâtissier colmarien installé à Pacific Grove au sud de San Francisco et le Wissembourgeois Jean-Marc Fullsack qui, de cuisinier, devint professeur à l’Université de San Francisco. Les deux gardent le souvenir d’un homme exceptionnel. Jean-Marc Fullsack a travaillé de 1976 à 1978 auprès de lui, comme cuisinier, au restaurant Lutèce. « Je n’ai jamais rencontré un patron aussi juste et aussi gentil, dit-il. Il n’avait pas d’égo. Il ne pensait qu’aux autres. Il m’a appris les valeurs d’éthique qui m’ont guidé toute ma vie ».

The Lutece Cookbook by André Soltner, paru en 1995 chez Seymour Brtichky, fut un succès de librairie à l’échelle américaine. / ©dr

André Soltner est né en 1932 à Thann d’un ébéniste et d’une fine cuisinière. En 1948, il commença son apprentissage à l’Hôtel du Parc à Mulhouse et sortit premier au CAP. Après le service militaire, il devint chef à 27 ans chez Hansi à Paris où il commandait une brigade de 17 cuisiniers. En 1961, il s’envola pour New York avec son épouse, et y reprit le Lutèce, un restaurant créé par André Surmain. Ce lieu hautement gastronomique, non guindé, où il excellera jusqu’en 1995, avec Simone en salle, chaleureuse comme une maman, deviendra vite le must et lui fera cueillir les plus belles médailles et distinctions. En 1968, il fut le premier cuisinier établi hors de France à gagner le titre de Meilleur Ouvrier de France. En 1983, les critiques ont élu son restaurant comme America’s Greatest Restaurant. En 1986, comme en 1990, il fut élu Chef of the Year (chef de l’année). Le New York Times lui a décerné 4 étoiles en 1988.

Les mots d’Alan Sitsma dans le New York Magazine du 21 janvier 2025 : « Le meilleur chef de New York André Soltner était un titan de la cuisine française, mais on se souvient surtout de lui pour l’exemple qu’il fut en dehors de la cuisine ». / ©dr

André avait gardé un attachement sans bornes à l’Alsace. Il y revenait chaque été pour revoir sa sœur avant de rejoindre son appartement sur la Côte d’Azur. Il aimait le ski (il avait été chasseur alpin), le tennis, la natation et il collectionnait avec passion les livres de cuisine. Depuis 1995, il enseignait à l’Institut Culinaire Français de New York et à Cornell University. Et il voyageait à travers les continents pour donner des conférences et animer des semaines gastronomiques. André Soltner était aussi le meilleur ambassadeur du vin d’Alsace, notamment celui de Thann, le Grand Cru du Rangen. Pour le remercier de faire rayonner ce vin d’excellence auprès des présidents Kennedy, Nixon et Carter, une borne kilométrique sculptée qui lui est dédiée fut installée sur une de ses parcelles du Rangen en 1988. Depuis lors, les Américains désignent cette stèle en grès rose comme étant le « mausolée Soltner ». Cela amusait André d’avoir, de son vivant, un petit mausolée sur sa terre natale.

L’info en plus

La recette qui tenait le plus à cœur à André Soltner, qui était aussi la préférée de Richard Nixon, est une tourte aux pommes de terre, plat rural que préparait sa maman. Vous la découvrirez dans Maxi Flash la semaine prochaine.

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