lundi 5 mai 2025
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Ma voix dans le tram de Strasbourg

« Tiens, je t’ai entendue dans le tram ». Cette phrase me parvient de temps à autre comme une petite mélopée, depuis l’an 2000, lorsqu’à l’occasion de l’installation de la deuxième ligne du tram, Rodolphe Burger, guitariste, chanteur et fondateur du groupe Kat Onoma, mena le projet nommé « Vox populi ».

Ce projet de voix dans le tram, avec des habillages musicaux conçus par Rodolphe Burger, relevait d’une initiative de la ville de Strasbourg. L’exercice qui me prit, montre en main, deux minutes, me vaut encore des réactions vingt-cinq ans plus tard tant ces voix du tram ont fini par faire partie du paysage urbain et s’inscrire dans le quotidien des usagers.

J’avais reçu en 2000 un coup de fil d’une personne qui m’informait de ce projet et me demanda de me rendre dans un bureau de l’Hôtel de Ville, place Broglie, pour dire au micro la liste de toutes les stations, précisant que cela ne prendrait « que deux minutes de ma vie ». Le lendemain, un vendredi, après mon émission à France Bleu Elsass, j’ai quitté le studio de la radio située rue Joseph Massol pour me rendre place Broglie, où je me rendais de toute façon tous les vendredis pour faire mes courses au marché. J’ai fait cette courte incartade vers le bureau évoqué.

Philippe Poirier, le guitariste de Kat Onoma, responsable de ce casting de voix (décédé fin avril), s’y trouvait en compagnie d’un preneur de son. Un micro était installé sur une petite table. La liste des noms de stations était posée devant moi. J’ai dit les noms en français, et certains en alsacien, comme àlter Winmarik (Vieux marché aux vins) ou Langstross (Grand’rue). Et ce fut tout. Je suis repartie deux minutes plus tard, n’imaginant guère que ce bref enregistrement créerait tant de retours.

Pour ce projet des voix du tram, Rodolphe Burger avait lancé un appel à la participation citoyenne pour réunir un panel de voix, de tous domaines et de tous âges, afin de mettre en lumière la diversité. Une centaine de personnes avaient été enregistrées, des femmes, des hommes, des enfants, des adolescents, avec des âges allant de 4 ans à 82 ans. Certaines voix étaient aisément reconnaissables comme celle d’Elisabeth Best (la comédienne du Barabli), celle de Roger Siffer, de Huguette Dreikaus ou celle du philosophe Jean-Luc Nancy. Certaines avaient un accent prononcé, d’autres étaient hésitantes. Rodolphe Burger en garda même une qui écorchait le nom alsacien d’une station d’une façon si naturelle qu’elle provoquait le fou rire dans la rame. Pour chaque station, il composa un thème sonore intemporel, comme un jingle musical, permettant d’identifier la station. Étant presque toujours à vélo, ne prenant le tram que lorsqu’il y a du verglas, j’ai peu l’occasion d’entendre les voix. La dernière fois, j’ai reconnu celle, si marquante, de ma regrettée collègue Michèle Bur, qui fut longtemps présente dans le paysage audiovisuel d’Alsace. C’était doux de l’entendre dire « Destination Hœnheim-Gare » alors qu’elle n’est plus de ce monde depuis 2004.

Arrêt Grand Rue-Langstross, rue de la Division Leclerc. / ©dr

Il serait difficile d’imaginer Strasbourg sans le tram, tant il s’est intégré à la ville. On en oublierait presque qu’elle est restée sans tram durant plus de trente d’années. Les rails du précédent furent arrachés en avril 1960 et le bus devint dès lors le moyen de transport public unique. Une trentaine d’années plus tard, Marcel Rudloff, alors maire de Strasbourg, plaida pour un métro sous-terrain, le Val, entièrement automatisé qui, selon lui, décongestionnerait le trafic.

Catherine Trautmann avait une préférence pour le transport sur rail. Lorsqu’elle remporta les élections en 1989, elle concrétisa le projet de tramway. La première ligne, d’une longueur de 10 kilomètres, reliait le quartier de Hautepierre au centre-ville. La mise en service commerciale eut lieu il y a trente ans, le 25 novembre 1994. Quatre ans après cette ligne A, une seconde ligne de 12,6 km fut mise en service, inaugurée en septembre 2000 par Lionel Jospin et Catherine Trautmann, son ancienne ministre de la Culture qui avait repris son fauteuil de maire de Strasbourg. Ces tronçons B et C relient le quartier de l’Elsau à Hœnheim, en passant devant le musée d’Art moderne, l’Hôtel de Ville place Broglie, la place de la République, le Palais de la musique et des congrès et le quartier des banques au Wacken.

Selon la CTS, la société qui exploite le tram, 492 000 voyageurs l’empruntent chaque jour. Son réseau s’étend désormais sur 82 kilomètres. Dans mon quotidien à vélo, je croise souvent le tram, je reconnais de loin son roulis bourdonnant et sa sonnerie discrète. Je suis parfois aux premières loges pour assister aux facéties des cygnes dont certains aiment se reposer au milieu des rails ! Et je dois veiller à ne pas permettre à mon deux-roues d’entrer dans un rail. Sinon, c’est la chute irrémédiable et -pour l’avoir expérimenté- un vol plané sacrément douloureux.
Simone Morgenthaler

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