samedi 12 juillet 2025
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Munster – L’homme qui parle en musique avec Albert Schweitzer

Venu d’Afrique, il a tracé sa route grâce à la musique. Inventeur d’un instrument, il a rapidement croisé le souvenir d’un autre musicien, un Alsacien du nom d’Albert Schweitzer. Entre admiration et héritage, Ba Banga Nyeck a rendu hommage au docteur de Lambaréné dans le livre Mon Schweitzer, aux éditions Reber.

Musicien et auteur, vous êtes aussi connu pour avoir inventé un instrument un peu spécial. Qu’a-t-il de particulier ?

Je suis un artiste musicien, auteur-compositeur, interprète et instrumentiste, oui. Je suis également entrepreneur culturel. Le côté inventeur, c’est parce que j’ai en effet créé un modèle de balafon chromatique. C’est une espèce de xylophone africain. Le chromatisme est une proposition que l’on retrouve dans la musique de Jean-Sébastien Bach.

De nos jours, c’est universel. Cette gamme chromatique permet de régler un problème : en Afrique, nous avons une diversité culturelle riche, avec différents xylophones accordés pour des chants spécifiques. Ainsi, un xylophone ne pourra pas accompagner les chants d’une région voisine. Mais grâce à cette gamme, mon balafon chromatique est devenu une synthèse de ces xylophones africains.

Albert Schweitzer, c’est quelqu’un qui a su trouver les clés pour traverser les frontières et aider les gens

Vous êtes né au Cameroun. Comment avez-vous atterri à Munster ?

Grâce à cet instrument. Le père Noël m’apportait tout le temps des jouets et c’était des instruments de musique, j’étais un enfant très gentil (rires). Puis j’ai eu de quoi écouter.

Mon papa, fonctionnaire, nous emmenait avec lui quand il était muté. Et on emportait le tourne-disque. Nous pouvions être en pleine forêt, je pouvais encore écouter de la musique. Mais pour mes parents, il fallait être docteur.

Cependant, la musique m’a suivie. C’est devenu mon activité principale en Côte d’Ivoire, où je suis allé pour mes études de médecine. J’y ai intégré le Conservatoire National. Après ça, je me suis retrouvé dans un village artistique à Abidjan. Et puis un jour, je suis allé aux États-Unis pour un festival organisé par le gouvernement en 1997, à Washington DC.

C’est là qu’une question m’est venue : qui défend les instruments africains ? Alors je me suis mis en quête des claviers africains et j’ai trouvé les balafons. J’ai voulu les rapprocher des claviers comme le piano, que je connaissais. J’y ai donc appliqué le chromatisme pour créer le balafon chromatique.
Cet instrument m’a amené à venir en France pour des tournées et à Strasbourg pour une année académique. Ça m’a permis de rencontrer mon épouse, une Munstérienne. C’est comme ça que je me suis retrouvé ici.

La musique m’a aidé à rencontrer l’amour et à me rapprocher, forcément, d’Albert Schweitzer. J’ai toujours été en admiration des prix Nobel de la paix. J’ai été au mausolée de Mère Teresa, de Gandhi, de Nelson Mandela. Et là, je me retrouve à côté de la maison d’Albert Schweitzer. Incroyable.

Ba Banga Nyeck jouant du balafon chromatique. / ©Hermivan / DR
Donc vous connaissiez déjà son histoire ?

Au Cameroun, on le connaissait pour son hôpital de Lambaréné. Il y avait donc déjà cette proximité. Et une fois en Alsace, je suis allé plusieurs fois devant sa maison, religieusement (rires).

Quand monsieur Albert est arrivé en Afrique avec son instrument, il a joué du Bach. La musique de quelqu’un qui, lui aussi, a transcendé les frontières. Albert Schweitzer, c’est quelqu’un qui a su trouver les clés pour traverser les frontières et aider les gens.

Et l’une de ces clés, c’était la musique de Bach. Il en a joué et les arbres, la nature, l’ont écouté. Et moi, dans la forêt, j’ai aussi joué de la musique. Les arbres ont écouté du Bach joué par Schweitzer, du
chromatisme donc.

Un jour, ils ont décidé de restituer ça. Mon balafon c’est, indirectement, le fruit de ces arbres, de leur écoute de Bach joué par Schweitzer. La boucle est bouclée.

C’est pour cela que vous avez accepté de participer à Mon Schweitzer ?

Exactement. Je suis le dernier auteur de la vallée à avoir intégré le projet. J’y évoque ce que je viens de raconter, cet effet boomerang : Albert Schweitzer qui vient en Afrique avec son piano jouer du Bach, et moi qui viens en Occident avec mon balafon chromatique pour jouer du Bach aussi.

Camerounais d’origine, j’ai créé mon instrument en Côte d’Ivoire et aujourd’hui je suis en France. Je suis un enfant du monde. C’est en cela que l’on se retrouve avec Albert Schweitzer, il raisonne partout en moi.

L’info en plus

Le balafon chromatique inventé par Ba Banga Nyeck a été reconnu par l’organisation africaine de la propriété intellectuelle en 2007.

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