lundi 13 octobre 2025
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Alain Trautmann – Un Bretzel d’or à la sauce Alélor

En route pour visiter la moutarderie Domaine des terres rouges qu’Alélor a rachetée près de Brive-la-Gaillarde, Alain Trautmann nous partage sa vision du terroir avant la remise des Bretzels d’or. Le 19 octobre, le trophée décerné par l’Institut des arts et traditions populaires d’Alsace au Palais des Rohan de Saverne récompensera son engagement local. Né en 1974 à Haguenau, sa mère est originaire de Gumbrechtshoffen et son père de Phillipsbourg en Moselle, où il a grandi avant de faire une école de commerce au nord de Paris. Après un double diplôme avec l’Allemagne, à Aachen, il devient auditeur financier, et passe de Mulhouse à Metz puis à Karlsruhe. En 2007, c’est pour lui l’heure de « revenir au bercail » pour reprendre la société familiale Alélor : voilà dix-huit ans qu’il fait prendre la sauce du savoir-faire et de l’innovation.

Le chemin vers la gestion d’une entreprise est-il tout tracé pour vous ?

Mon père était comptable et directeur financier, mon frère aîné expert-comptable, donc par voie familiale je me suis plutôt orienté vers les métiers de la finance, plutôt que les métiers de bouche. J’ai écouté sagement en faisant l’ESC Compiègne, puis neuf ans d’audit financier et ça s’est très bien passé comme ça. On peine un peu au départ, mais c’était un tremplin pour ensuite intégrer une entreprise ou en reprendre les rênes, ce que j’ai fait en 2007. Mon père nous a légué Alélor, à mes deux frères et moi-même, j’étais le plus disponible et à même de reprendre la société.

Quelle est l’histoire d’Alélor avec votre famille ?

Mon père l’a rachetée en 1997, au départ c’était Raifalsa à Mietesheim—le site sur lequel on est toujours, qui faisait uniquement du raifort, créé par une famille d’agriculteurs en 1956, sans successeurs. La société était sur de bons rails, il n’y avait qu’à la diriger en bon père de famille. Quand la question de la retraite de mon père s’est posée en 2005, avec mes frères on a décidé de trouver un autre produit à côté : la moutarderie Alélor, fondée à Lingolsheim en 1873 par Jean Stumpf. Quatre générations l’ont gérée, ils ont développé la moutarde, la conserverie et les poissons, harengs, rollmops, merlans. Dans les années 80, la fille Suzanne n’avait pas d’enfants, et Coop Alsace l’a reprise comme une filiale, puis s’est recentrée sur la distribution. Nous avons obtenu le rachat complet de la marque, des clients et du personnel (qui n’a pas voulu suivre vers Mietsheim) en 2006.

La moutarde Alélor, un savoir-faire perpétué
depuis 1873. / ©DR
En 2008 vous relancez la filière des graines de moutarde en Alsace. Votre touche personnelle, ce serait le local ?

Alélor achetait principalement au Canada alors que notre raifort était alsacien. On a trouvé un agriculteur pour faire un essai. En 2010, cela a motivé cinq agriculteurs, et aujourd’hui une trentaine sont dans la filière qui satisfait 70% des besoins en moutarde, le reste vient des pays de l’Est. Je suis très attaché aux filières alsaciennes, la filière des cornichons a aussi été créée en 2021 à Dorlisheim, et les piments en 2025 à Sélestat pour les sauces piquantes. Je pars du principe que si ça marche, on n’y touche pas, et pourquoi pas dupliquer à d’autres métiers. Aujourd’hui à vingt salariés plus cinq intérimaires, il faut aussi de la jugeote managériale, aimer les gens, les accompagner dans leur développement dans l’entreprise, l’humain est au cœur de notre PME.

Et peut-on coupler la tradition et l’innovation ?

Je suis un fervent gardien de la tradition, mais aussi de l’innovation dans de nouvelles recettes, produits, emballages, et le mélange de tout ça fait un beau mélange. En 2015, nous avons racheté Domaine des terres rouges, une micro moutarderie en Corrèze intégrée à une distillerie. Aujourd’hui, c’est une marque premium d’épicerie fine : 26 recettes de sauces, fabriquées à Mietesheim, et une petite gamme de produits de négoce en huiles, vinaigres et pickles. Puis en 2019, nous avons développé des mayonnaises en propre à partir d’huile de tournesol française. C’est un nouveau segment entre tradition et modernité, une recette comme à la maison qui sert de support pour développer des sauces froides, béarnaise, aïoli, tartare, burger. Et la sauce burger on a eu le grand prix de Cuisine actuelle 2024-25 ! Toutes ces recettes sont faites à partir d’ingrédients français et naturels, on a retiré les conservateurs, les colorants, les additifs. Là on travaille sur un ketchup alsacien qui va sortir en 2026… Alélor, ça signifie Alsace et Lorraine, mais avec le ketchup et les sauces piquantes, on aura plus d’appétit pour sortir de la région sur le long terme.

Venons-en au Bretzel d’or, que représente cette distinction pour vous ?

Disons que c’est un honneur, une fierté, une reconnaissance de notre travail, avec mon équipe depuis presque vingt ans, et aussi de l’ancienneté avant. Nous sommes très attachés aux filières et maîtrisons tout le process, de l’agriculteur jusque dans l’assiette du consommateur, en passant par les distributeurs, les revendeurs, notre unité de fabrication. On essaie de garder cela en Alsace. La conjonction de tout fait qu’aujourd’hui les consommateurs nous voient et nous apprécient.

Les sauces froides et les sauces piquantes, dernières nées de
la gamme. / ©DR
Alors le Bretzel d’or récompense votre engagement alsacien ?

Alsacien oui, et faire les choses bien. On fait très attention à tous les Alsaciens expatriés, et on est partenaires de l’Union internationale des Alsaciens. Partout où on parle de terroir, on essaie de faire quelque chose. On va sortir avec Alsace Lait mi-octobre un fromage à tartiner au raifort, c’est aussi la preuve que quand deux entreprises alsaciennes travaillent en bonne intelligence, on obtient un produit tip top.

Que pensez-vous de la promotion 2025 des Bretzels d’or ?

Faire partie d’un millésime avec monsieur Mack, le patron d’Europa Park, c’est quelque chose ! Et aussi Gérard Goetz du restaurant Chez Julien, un vieux de la vieille dans la gastronomie. Et la troisième personne, c’est Antoine Jung, le boulanger de Munich, qui est devenu client, je vais le livrer en novembre ! Les Bretzels d’or, c’est un réseau de gens alsaciens qui font des choses bien.

Deux entreprises alsaciennes s’associent pour un goût
magique selon Alain Trautmann. / ©DR

En chiffres

Tous les ans, Alélor produit 100 T de raifort, 1000 T de moutarde, 100 T de sauces émulsionnées, 500 T de produits de conserverie, pour un chiffre d’affaires de 7M€ (et Domaine des terres rouges, 2M€). 80% sont achetées sur le territoire Alsace-Vosges-Moselle, 18% sur territoire français et 2% à l’export.

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