Comment avez-vous sélectionné les photos qui se trouvent dans ce livre ?
L’idée, ce n’était pas le passé, mais plutôt le présent. Comment on chope le présent ? Comme dans mes deux livres précédents, je saisis la vie, comme ça. Et je voulais parler du voyage. C’est quoi le voyage dans la vie ? Parce que pour moi ça compte beaucoup, le voyage géographique, mais aussi amoureux et créatif, le voyage dans toutes ces formes. J’aime capter le présent, une atmosphère avec l’homme que j’aime, une lumière particulière, lorsque l’on sent que l’on a envie de garder le moment que nous sommes en train de vivre. J’ai sélectionné les photos en fonction de ça.
Vous écrivez, paradoxalement, qu’avant de partir, le voyage vous angoisse un peu.
Oui, avant de mettre le pied dehors. C’est peut-être lié à la solitude, je voyage souvent seule. Et c’est vrai que les grands voyages me tétanisent la veille. Je me dis « mon Dieu, pourquoi je quitte ce que j’aime, tous les gens que j’aime, pourquoi je m’impose ça ? » Mais une fois que je suis dans le taxi pour l’aéroport, tout va bien.
Même mieux que tout va bien, vous écrivez qu’en vous sauvant, vous sauvez votre peau…
Oui. Ce n’est jamais une erreur de partir. C’est salvateur. C’est toujours un bonheur. Ça me donne de l’énergie et de l’inspiration. Ça me recharge de vie. Je retrouve une fraîcheur à chaque fois qui me permet de lutter contre le cynisme. Le désir est devenu un truc méprisé dans notre métier, pourtant, ce sont les désirs qui font avancer les artistes. Je trouve que les gens qui permettent au travail artistique d’émerger, d’être distribué au public, tous ces gens qui gèrent ça, sont d’un cynisme épouvantable. Je trouve que nous vivons dans un pays complètement gangrené par l’entre-soi.

Vous faites souvent des voyages dans l’Est, et en Alsace aussi, votre éditeur est à Mulhouse…
Oui, il y a beaucoup de choses qui m’attachent à Mulhouse, je joue très souvent au Séchoir, et bien sûr les Éditions Médiapop et Philippe Schweyer. Quelque chose s’est lié avec cette ville sans le faire exprès. J’aime l’Alsace, Saint-Louis et son Forum du livre où je me suis fait des amis.
Alain Bashung est très présent dans Spacing, c’est important pour vous de continuer d’en parler ?
Je me suis dit que j’allais le faire pour la dernière fois. J’ouvre la boîte et après c’est fini. Il y a des gens à qui ça fait très plaisir de voir ces photos, il fallait qu’elles vivent. Celles que j’ai sélectionnées vont bien avec les voyages, les voyages en amour. Avec Alain, on immortalisait souvent le moment.
Dans le livre, vous écrivez qu’il faut absolument faire les choses comme on veut, après c’est fini pour toujours…
Oui, je pense qu’il y a des batailles qu’il faut mener.
Il y a aussi une anecdote avec l’acteur alsacien Claude Rich, avec qui vous aviez tourné…
Je ne sais pas pourquoi, c’est un mystère, on ne se connaissait pas plus que ça, mais le jour de l’enterrement d’Alain, sur les marches de l’église à Saint-Germain-des-Prés, il est arrivé avant tout le monde ; il m’a fait un baiser sur le front et il m’a dit « ma pauvre enfant ». Ça m’a bouleversée. C’était un cadeau de la vie.