Il a une équipe d’une centaine de personnes, dont quatre Français qui travaillent sur les lunettes connectées, anciennement appelées Google Glass . Arrivé en Californie dans la Silicon Valley en 1997, il s’est de suite démarqué par sa fougue inventive, dont des précisions furent fournies dans l’article paru la semaine dernière. Je l‘ai rencontré en 1999 à Aerial Imagine Corporation, une start-up qu’il avait créée en Silicon Valley avec un ami et qui fabriquait des lentilles spéciales pour les lecteurs CD et DVD. Douze autres start-ups suivront jusqu’à ce qu’il obtienne la carte verte en 2008 après son mariage. J’ai alors eu mon premier travail comme employé Google, treize ans après être venu aux USA, et j’ai commencé à travailler sur le projet Google Glass pendant cinq ans.
Son deuxième emploi fut à Microsoft qui l’a débauché de Google en 2015 pour travailler sur les casques de réalité augmentée HoloLens. Nous avons développé la première et la deuxième version en 2016 et en 2019, et même une version pour livrer à l’armée américaine des casques de réalité augmentée (« IVAS – Integrated Visual Augmented System ») pour laquelle Microsoft a eu le budget colossal de 22 milliards de dollars sur dix ans.
En 2021, Google l’a débauché de Microsoft pour diriger sa nouvelle équipe en réalité augmentée et développer des lunettes connectées d’intelligence artificielle. Il y est depuis lors. Au cours de son travail à Google (pour Google Glass) et à Microsoft (pour les casques AR HoloLens), il a commencé à fréquenter le monde médical en Amérique et en Asie, mais aussi à Strasbourg avec l’IRCAD du Professeur Marescaux et la start-up Visible Patient de Luc Soler. Tous deux ont utilisé ces lunettes et casques pour leurs développements en chirurgie. Bernard a même invité le vice-président de Microsoft aux Journées Industrielles de l’Eurométropole. Il fit son discours en 2019 devant un parterre de deux mille PDG d’entreprises européennes au Palais des Congrès à Strasbourg.
Sur le plan professionnel, Bernard est aussi impliqué de façon bénévole depuis 2004 dans les activités de la société internationale d’optique et de photonique SPIE, une organisation à but non lucratif présente dans tous les pays du monde. Cette société sert la communauté scientifique optique et photonique dans le domaine télécom, défense, biotech, informatique, quantique, réalité virtuelle, voitures autonomes, astronomie, etc. précise Bernard. J’ai été élu président de la société en 2021. Un président français était une première dans l’histoire de cette société depuis sa création en 1955. Strasbourg fut la première ville dans laquelle le SPIE a organisé une conférence en Europe. C’était en 1978. Depuis 2004, toutes les années paires a lieu la conférence SPIE Photonics Europe au Palais de Congrès.
Bernard Kress a également préparé et présenté son HDR (habilitation à diriger les recherches) à l’université de Haute Alsace en 2017. Il précise avec un clin d’œil : C’est pour le cas où je reviendrais en Alsace prendre un poste de prof avant la retraite.
Avec plus de 50 000 Français, la Silicon Valley dispose d’un réseau de professionnels français très solide, qui s’occupe bien des nouveaux arrivants. Petite anecdote, raconte Bernard Kress, j’ai rencontré Bertrand Serlet, un Français expatrié, dans un café à Palo Alto en Silicon Valley en 2006. Il sirotait son café et on a commencé à sympathiser, car on utilisait tous deux un ordinateur Apple. On s’est vu pendant six mois au café, et ce n’est que plus tard que j’ai compris qu’il était le numéro 2 de Apple avec Steve Jobs. Je pensais qu’il était un simple ingénieur informatique à Apple. J’ai aussi rencontré beaucoup d’Alsaciens, comme par exemple Bernard Burg de Woerth, également marié à une femme asiatique et passionné d’Intelligence Artificielle.
Bernard a gardé des liens forts avec sa famille en Alsace, avec ses parents et ses quatre sœurs. Mes fils Remy et Sebastien ont dix cousins et cousines à visiter en Alsace ! Je suis la seule cigogne qui s’est envolée. Mes parents ont tous deux eu un sévère cancer du côlon il y a quelques années, mais grâce à l’IRCAD du Professeur Marescaux, ils ont tous les deux totalement guéri. C’est intéressant de voir comment ma vie a été liée à l’IRCAD, premièrement par mes travaux en réalité augmentée et deuxièmement par l’IRCAD sauvant la vie de mes parents.
Ses parents sont toujours très actifs, surtout dans leur jardin à Neubourg. Bernard aime aussi travailler dans son jardin dans la Silicon Valley. C’est un peu mon yoga, on m’appelle le “succulent man” ici, car j’ai une passion pour ces plantes grasses et j’en offre abondamment à tous mes amis, car elles poussent et se reproduisent très vite en Californie.
Et quel message aimerait transmettre le « wonder boy » de Neubourg aux générations futures ? Montrer que le “rêve américain” est encore possible aujourd’hui, soit pour des réfugiés politiques comme ma femme et ses parents, soit pour des petits Alsaciens échevelés sans le sou comme moi. Le rêve américain est accessible à tous, pas besoin d’avoir de l’argent, ou encore des papiers. Mais il n’est pas accessible aux frileux ou à ceux qui veulent que tout arrive sur un plateau, comme l’imaginent beaucoup d’étudiants que je croise et qui