Catoch’, que retenez-vous de votre jeunesse en Alsace ?
Ma personnalité ne collait pas avec l’Alsace des années 60. À l’époque, je n’étais qu’une enfant difficile. Aujourd’hui, on dirait que je suis un haut potentiel intellectuel, avec un trouble de l’attention et une pointe d’autisme social. À cette époque, avant de devenir un roi, l’enfant était un meuble. Il arrivait au monde sans que ses parents l’aient commandé, et il ne correspondait pas du tout au modèle du catalogue. Il fallait faire avec. Dès que j’ai pu quitter Eichhoffen, je suis partie. Je suis allée à Strasbourg et j’ai suivi des études à l’IUT d’Illkirch-Graffenstaden, dans une branche qui s’appelait « carrières de l’information ». Ce n’est qu’en 1985, à 20 ans, que j’ai emménagé, par amour et par opportunité, à Paris, où j’ai fait carrière.
Quel type de carrière ?
Je suis devenue consultante en prospection stratégique B to B, spécialisée dans le développement du business des agences de communication et des sociétés de services à forte valeur ajoutée (NDLR : Il faut le lire vite, comme elle le fait dans son spectacle). C’est une niche très particulière, qui aide les agences à trouver de nouveaux clients, tout simplement ! J’ai très vite compris que je n’avais pas envie de consacrer 100 % de ma vie à mon activité professionnelle. En plus de mon travail, je me suis découvert une passion pour la Turquie. Je me suis lancée dans une licence de turc en 1995, mais je n’ai pas poursuivi dans cette branche.
« Je souhaite alsacianiser le monde, et mettre du rire et du bretzel dans la vie des gens »
En 2002, Christine Bravo fait de vous une de ses nouvelles chroniqueuses pour l’émission Douce France, la version régionale d’Union Libre. C’était une trajectoire inédite dans votre vie. Pourquoi ce choix ?
C’était une époque où je n’avais plus rien. Quand j’ai su que Christine Bravo ouvrait les recrutements pour cette émission, je me suis questionnée. J’ai beaucoup réfléchi et j’ai décidé de postuler. J’ai passé un casting, je n’ai pas été retenue et j’étais déçue. Par chance, l’émission a pris du retard, celui qui avait été recruté est passé à autre chose, et j’ai été repêchée. Pendant un an, j’étais chroniqueuse pour l’émission, diffusée sur France 2. Ce rôle était fait pour moi. À cette époque, les Alsaciens me détestaient, et beaucoup me détestent toujours. Ils pensaient que j’étais trop caricaturale, alors que les Français de l’intérieur m’adoraient, car j’étais authentique. J’étais une sorte d’ovni.
Après la télévision, l’écriture ! Qu’avez-vous produit ?
En 2004, aux éditions Stock, j’ai sorti le livre Juliette fait de la télé, basé sur mon expérience du petit écran. Il m’a définitivement grillé avec la télévision. De nombreuses phrases ont été sorties de leur contexte. Ça a été perçu comme de la haute trahison. La télé, c’est le jardin d’enfants. On dit souvent qu’elle est hypocrite, mais c’est faux. Les gens se lâchent et ne craignent pas de dire des vérités qui blessent. J’ai continué à écrire pour les éditions Hachette. J’ai écrit une grosse quarantaine de guides psycho-humoristiques pour la collection On n’est pas des gourdes. Pendant dix ans, j’étais autrice et consultante. Quand Hachette a changé de stratégie, j’ai arrêté d’écrire.
En 2015, à 50 ans, vous vous êtes questionnée sur votre futur, puis vous vous êtes rendu compte que votre humour plaisait…
C’est en racontant des histoires à des amies que j’ai découvert que rien ne m’éclatait plus que de faire rire en racontant ma vie. J’ai décidé de creuser et d’intégrer l’École du One-Man-Show. J’ai toujours eu un certain côté « j’aurais voulu être un artiiiiste ». Je n’avais jamais fait de théâtre, mais l’écriture c’était mon truc. Cependant, j’étais débutante dans l’écriture comique. La blague est une mécanique que je ne maîtrisais pas du tout. J’ai dû tout déconstruire, pour reconstruire. J’avais d’autres points forts, comme l’authenticité, la présence scénique et même le lâcher-prise. À mes débuts, j’étais mauvaise, mais c’est ce que je cherchais, j’avais besoin de me challenger. Grâce à mon travail, j’ai pu intégrer le Big Show, la troupe des meilleurs humoristes de l’école : c’était la première vraie reconnaissance. En mars 2019, mon premier spectacle Nom d’une quetsche ! est enfin sorti. Après plus de 60 représentations, il a évolué en devenant Alsacienne d’Origine Contrôlée (AOC). J’y raconte ma vie, avec humour. C’est du stand-up à l’alsacienne, pittoresque et interculturel, ancré dans le terroir, mais ouvert sur le monde, tout en français, mais avec l’accent ! Il a été joué plus de 130 fois dans cinq pays : le Canada, la Belgique, le Luxembourg, l’Alsace et la France de l’intérieur. Je souhaite alsacianiser le monde, et mettre du rire et du bretzel dans la vie des gens.
1965 Mélo, Dolto, Rétro est votre dernière création. Vous le jouez en alternance avec Alsacienne d’Origine Contrôlée (AOC). Qu’est-ce que vous abordez dans ce spectacle ?
Je souhaite réconcilier le public à nos quinquagénaires. C’est un voyage des sixties à nos jours pour explorer l’origine des « quinquas ».
Je veux faire passer un message de tolérance et de compréhension mutuelle pour enfin nous réconcilier avec nos daronnes.
Pensez-vous déjà à votre troisième spectacle ?
Je travaille déjà dessus. Il s’appellera Sexe, Karma et Baklava et racontera mon histoire, de comment je suis passée d’une simple vierge effarouchée à une auteure de l’équivalent français de 50 nuances de Grey. Je fais comme Star Wars, je suis partie sur une trilogie.
Propos recueillis et rédigés par Léo Doré