Après une vie sportive consacrée au karaté, maintenant c’est la course à pied qui vous anime, racontez-nous !
Oui, j’ai changé de cap. Au début c’était plutôt une transition en douceur, une reconversion, parce que je ne pouvais pas rester sans rien faire après la compétition et le coaching en karaté, mais après deux années de course, je me suis prise au jeu. Je suis une compétitrice, c’est impossible de me dire que je vais juste m’entraîner pour le plaisir, pour passer le temps et me sentir bien. Je viens de courir mon douzième marathon en quatre/cinq ans avec un record à 3h11, ce qui est pas mal en si peu de temps, mais ce rythme me convient. Je m’engage également sur des trails, je suis aussi complètement investie dans cette discipline ; c’est le dépassement de soi, l’aventure, on est face à la nature et la montagne, comme lors des 90 kilomètres du Mont-Blanc que je vais refaire très bientôt. Mais aujourd’hui, je suis devenue une marathonienne. Ça me plaît de courir après les minutes et d’améliorer mon temps, de gagner des secondes. J’aimerais, à moyen terme, descendre sous les trois heures.
Vous avez couru le Marathon des sables à deux reprises, à 16 ans d’intervalle, pourquoi ?
En 2001, dans un moment particulier de ma vie, je ne m’étais pas du tout entraînée, je suis partie bille en tête, j’avais besoin de me retrouver dans le désert, suite à un décès, j’avais des choses à régler. Ce moment m’a marquée humainement, le désert ne laisse jamais indifférent. En 2017, j’ai refait le Marathon des sables dans un autre état d’esprit ; le temps a passé, j’ai connu de belles choses, et j’avais envie de le faire pour démarrer une autre partie de ma carrière sportive.
Depuis que je vous connais, vous êtes toujours dans le dépassement de soi. Et, ce qui est intéressant dans votre cas, c’est que vous ne le faites pas seule, mais pour ELA que vous emmenez dans vos bagages. C’est votre job, il faut le dire, mais vous avez cette association dans la peau, dans le cœur ?
Oui, je l’ai dans les tripes. Le combat continue et il se poursuivra tant que l’association en aura besoin. Ma vie est organisée autour d’ELA. Je l’ai raconté dans mon livre, La samouraïs, depuis toute petite j’ai vécu avec des gens malades, la maladie fait partie de mon quotidien. Mon premier combat dans la vie a été d’accepter l’inacceptable. J’ai vu mourir les gens que j’aimais, c’est le cycle de la vie, mais c’est parfois un peu plus compliqué que ça. La maladie c’est violent quand ça touche un membre de ta famille ou un enfant. Ce n’est pas dans notre culture de savoir gérer la perte d’un être cher ou de le voir dans une souffrance contre laquelle on ne peut rien. C’est pour cette raison que je me suis rapprochée de l’association ELA, j’avais envie de faire quelque chose, ou d’avoir « l’illusion » de faire quelque chose. Je parle d’illusion, même si j’y crois. Trouver un remède à cette maladie, c’est un sacré marathon, un marathon sans fin, mais en même temps, on s’accroche. En ce qui me concerne, la persévérance est dans mes veines. On me dit souvent, « Chris, tu n’arrêtes pas », mais je n’arrêterai jamais. Je suis persuadée que les personnes que j’ai perdues sont avec moi, qu’elles me donnent cette force, cette détermination. Je ne me suis jamais senti aussi bien physiquement qu’actuellement.
C’est quoi votre secret ?
Dans cette grande intensité, j’ai trouvé une forme d’équilibre, mon environnement est sain et rassurant. Je suis toujours une combattante, mais dans ma vie tout se fait d’une manière beaucoup plus douce. Je ne fais plus contre, mais pour quelque chose. Je m’écoute beaucoup plus, je suis un peu moins Maverick (NDLR – petite référence au Festival de Cannes, où elle allait assister à la projection de Top Gun juste après cet entretien).
La Journée internationale Mets tes baskets dans l’entreprise approche, l’objectif est encore de mobiliser des entreprises pour collecter de l’argent pour ELA ?
L’idée est de recenser le nombre de pas que l’on fait dans une entreprise, de marcher pour les enfants malades. On évite de prendre l’ascenseur, on se déplace un peu plus dans les services pour se parler au lieu de s’envoyer des mails, etc. Cette opération permet également de créer d’autres liens entre collègues autour d’une bonne cause, et elle a encore plus de sens après deux ans de pandémie. Mets tes baskets, que les entreprises peuvent organiser à n’importe quel autre moment de l’année, est notre source de collecte la plus importante. Mais comme il n’y a eu aucun événement pendant deux ans, c’était compliqué pour la recherche médicale ; on a dû stopper ou geler certains essais cliniques, faute de moyens. Il ne faut pas oublier que des familles attendent que l’on trouve des solutions à cette fichue maladie.
Vous avez même créé une application mobile dédiée et gratuite, Mets tes Baskets !
Oui, on s’est adaptés, on s’est digitalisés et on a remplacé le podomètre par une application que l’on peut regarder en fin de journée entre collègues, on peut se challenger entre services, entre bureaux. Chaque pas est transformé en don versé par les entreprises pour ELA. En Alsace du Nord, je me souviens que la société Casterot avait participé à l’opération il y a 3 ans.