samedi 23 novembre 2024
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Ehpad : la fin de vie en rose ?

Au moment où le vieillissement est devenu un épineux problème de société, en France un million cinq cent mille personnes ont plus de 85 ans, elles seront presque cinq millions en 2050, les reportages consacrés aux EHPAD, dans “Zone Interdite” et « Envoyé spécial », ont tiré un signal d’alarme sur le traitement des anciens dans des établissements privés et lucratifs.

Il convient de ne pas faire l’amalgame entre les structures destinées à enrichir leurs actionnaires le plus souvent sur le dos des aînés, et les deux autres types d’établissements : les établissements publics et les associatifs privés. En Alsace du Nord, il n’existe que ces deux types, ce qui ne signifie pas que l’on y voit la fin de vie en rose partout. Du côté des ressources humaines, le métier reste compliqué et contraignant, le nombre d’arrêts-maladie est important, le manque de moyen et le taux d’encadrement trop faible sont des poids bien trop lourds. Conscients du problème, le département et le gouvernement planchent sur des solutions.

Un EHPAD, c’est quoi ?

C’est un Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes. Ce sont nos parents ou nos grands-parents. Il existe 7.750 EHPAD en France, leur capacité d’accueil varie de 50 à 120 places, ce qui fait moins d’un million de lits, alors que le chiffre des personnes en situation de perte d’autonomie physique et/ou psychique qui ne peuvent plus pour la plupart être maintenues à domicile est largement supérieur. Les EHPAD sont la dernière étape de leur parcours : les pensionnaires y restent 2 ans 1/2 avant d’y décéder. Les places sont rares et les prix souvent exorbitants, hors de portés des revenus des familles : en moyenne 2 200 euros par mois. Malgré ces tarifs élevés, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous.

Les EHPAD privés

En France, on peut gagner de l’argent sur le dos des personnes âgées. Le taux de rentabilité de ce secteur est très intéressant dit-on pour les investisseurs des EHPAD privés. Dans ces établissements, moins on lave les résidents, moins on les change, moins ils mangent et plus on est lucratif. Le profit passe clairement après l’humain. La mise en avant récente dans les médias a provoqué des poursuites pénales et des licenciements, ce qui veut tout dire. Alors, faut-il interdire les EHPAD privés ? En Alsace du Nord, nous ne sommes pas concernés par la question, mais dans les autres établissements, les problèmes restent entiers.

L’urgence

Pour les familles confrontées au choix difficile de placer leurs proches en maison de retraite, la plus grande préoccupation est de savoir s’ils seront décemment pris en charge. Malgré les coûts mensuels, les services pour les résidents ne sont pas toujours à la hauteur. On a le sentiment qu’il ne faut pas chercher longtemps pour trouver des situations scandaleuses. Le personnel, qui pourtant aime son métier, peut devenir maltraitant, involontairement maltraitant. Certains avouent ce terrible constat. En cause ? Le manque de moyens et donc un encadrement limité. Faire les toilettes des plus dépendants, les changer, les lever de leur lit ou les emmener faire des activités devient une course contre la montre, les gens sont très vite à bout, ce qui entraîne de nombreux arrêts maladie et un turn-over incessant.

A Dauendorf, à la Maison du Sacré Cœur, « l’encadrement soin » est de 0,37, c’est au-dessus de la moyenne, mais cet établissement fait partie de l’Alliance Saint-Thomas Sénior qui regroupe 22 structures en Alsace (comme Saint-Joseph à Niederbronn, ou Sonnenhof et Diaconat à Bischwiller). Ils se rencontrent, négocient des achats en commun, défendent les mêmes valeurs. Des atouts essentiels pour faire face, ensemble, aux problèmes d’organisation et de budget.

La responsabilité des pouvoirs publics

Les gouvernements ont encouragé le secteur privé à investir et construire des maisons de retraite, souvent des établissements quatre étoiles. Les investissements ont été principalement réalisés par les privés, tous les gouvernements l’ont admis. Ils imaginaient peut-être régler là une partie du problème. L’un des enjeux majeurs est de prévenir la perte d’autonomie et faire en sorte que les personnes âgées puissent rester à domicile, ce qui est majoritairement leur souhait, ou de leur permettre de trouver des formes d’habitat alternatif et inclusif, disait en mai la Ministre de la Santé. Bref, on peut entendre : tout faire pour éviter l’EHPAD ? Le problème de la fin de vie, de la dépendance et du vieillissement ne figurait pas dans le programme d’Emmanuel Macron, mais une loi est désormais prévue avant la fin de 2019, on ne sait pas ce qu’il y aura dedans.

Les solutions ?

Le président bas-rhinois Frédéric Bierry lance un plan d’urgence de 4,5 millions d’euros pour la centaine d’EHPAD du département qui accueillent 8 700 aînés.

De son côté, le gouvernement planche sur un plan global de soutien aux aidants. En mai, Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, a présenté sa feuille de route pour les personnes âgées, une double approche incluant des mesures pour améliorer dans l’immédiat leur qualité de vie et l’ouverture d’une réflexion, associant l’ensemble des acteurs et de la société. Des mots, en attendant les actes ? Et les actes, c’est de l’argent ; on peut retenir qu’un effort financier permettra l’amélioration des locaux, la formation au management de l’encadrement, l’acquisition de matériels soulageant les personnels, de généraliser l’accès à la télémédecine en EHPAD afin de limiter les déplacements et d’améliorer la qualité du suivi médical, que 1000 places d’hébergement temporaire en EHPAD pour les personnes sortantes d’hospitalisation seront financées, que 360 millions d’euros supplémentaires sont débloqués de 2019 à 2021 pour recruter des personnels soignants. Le ministère s’engage en outre à ce que la réforme de la tarification des EHPAD ne conduise à aucune baisse des dotations, ni en soins ni en moyens relatifs à la dépendance.

C’est suffisant ? « Si l’on arrive à avoir une personne pour un résident, le but sera atteint. À un pour un, on signe tout de suite », espère Sylvie Keller, la directrice de la Maison du Sacré Cœur à Dauendorf, « mais il faut savoir qui va payer quoi. Pour le moment, on ne sait pas à quoi les chiffres et les millions d’euros annoncés correspondent vraiment ».

Reste aussi à imaginer des solutions pour la baisse de fréquentation des écoles d’aides-soignantes, l’attractivité du métier, les revenus trop proches du SMIC rebutent de plus en plus (avec la prime de fin d’année, sans ancienneté, une aide-soignante gagne environ 1400 euros par mois, un salaire qui n’est plus en rapport avec la pénibilité de ce métier. Bref, il y a du boulot sur la planche, même si Jean Dutourd disait « Ce n’est pas aux vieux crocodiles qu’on apprend à pleurer », une société qui se respecte doit prendre grand soin de ses aînés.   

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