C’est le grand-père de mon grand-père qui a ouvert la librairie en 1841. Moi, cela fait 35 ans que je suis là. » Si la voix du gérant laisse paraître une certaine lassitude, peut-être liée à l’âge dépassé de la retraite, 69 ans, c’est aussi l’incertitude qui l’accable : il ne sait pas ce qu’il adviendra du bâtiment ; dans tous les cas, « il sortira de la famille ». Avec son enseigne métallisée incrustée dans le mur depuis des décennies, le nom Urscheller fait partie du paysage de la rue piétonne et commerçante de Haguenau, et « a toujours été employé conjointement à Vincenti ».
Des piles de bouquins du sol au plafond
Pour « faire cliché » comme il le dit dans un sourire énigmatique, Jean-François avoue avoir eu « une vie heureuse de libraire, consacrée à [sa] passion pour les livres ». Avant la liquidation du stock, entouré de piles de bouquins du sol au plafond, il n’a jamais eu de spécialité, mais plutôt un choix très diversifié, tout comme l’a été sa clientèle. L’endroit est qualifié de « caverne d’Ali Baba », de « décor de film comme dans le Chemin de traverse de Harry Potter», de « boutique incroyable, une référence en Alsace », ou encore de « lieu pour les nostalgiques du passé, différent d’ailleurs ».
Le libraire, toujours modeste et posé, aura dégotté nombre de pépites pour ses clients. « Vue la réaction des gens à l’annonce de la fermeture, je pense que j’ai réussi à en faire un endroit chaleureux, en plus de bien m’occuper des livres ». Lui que l’on pourrait qualifier d’institution haguenovienne, s’en défend: « Institution, musée, on me le disait, mais je ne l’ai pas senti ». La porte se ferme, le livre de cinq générations aussi.