Comment s’est déroulée votre ascension dans le monde de l’art contemporain ?
J.R. : J’ai grandi à la campagne en allant chercher le lait à la ferme après l’école. La section Arts Appliqués du lycée de Bischheim a amorcé mes compétences, et d’inspirantes amitiés. Mon expertise s’est aiguisée à l’École Duperré à Paris sous l’égide du designer Pierre Hardy, puis auprès d’icônes du métier comme Eric Troncy et Vincent Honoré, durant ma vie à Londres et mon engagement à Moly-Sabata.
Vous êtes commissaire chargé de la programmation à La Verrière à Bruxelles. Comment sélectionnez-vous les artistes et expositions présentés ?
Il s’agit de partager une vision de soutien à la création. Ma méthode consiste à rencontrer l’art sur le terrain, chaque jour dans les ateliers et les expositions. J’accompagne ensuite les artistes afin de produire une étape dans leur carrière. Ensemble, on transforme le rêve en réalité.
Comment s’articule votre collaboration avec la Fondation d’entreprise Hermès ?
Cela relève d’une carte blanche sur la durée, basée sur la confiance. Mon appétit pour les arts visuels, décoratifs et appliqués résonne avec les valeurs de la Maison Hermès. Nous célébrons tout geste.

Vous êtes actuellement au Japon pour l’exposition «Spektrum Spektrum» à Ginza Maison Hermès au Forum. Quel a été votre rôle dans sa réalisation ?
C’est une grande première, pour la Fondation qui voit deux de ses galeries concevoir un projet commun, et pour moi hors Europe. Reiko Setsuda, mon homologue à Tokyo, m’a invité à doubler mon exposition « Spektrum » qui s’est tenue à Bruxelles l’année passée. C’est une aventure inédite.
Dans vos expositions, comment s’exprime cette approche de « solos augmentés », combinant expositions personnelles et collectives ?
Tout est réuni pour concrétiser un idéal, s’autorisant tous les plaisirs et s’émancipant des hiérarchies. En développant ce format, il est possible de se focaliser sur le travail d’une personnalité, et de l’entourer par ce qui l’inspire. C’est singulier et pluriel en même temps.
Votre engagement à Moly-Sabata semble avoir marqué votre carrière. En quoi cette résidence d’artistes a-t-elle influencé votre vision de l’art ?
C’est une leçon permanente. La résidence accueille les artistes depuis bientôt un siècle, avec l’hospitalité au cœur. Son histoire et son actualité concilient art et artisanat, ce qui encourage mes recherches en la matière. Moly-Sabata confirme combien ma profession consiste à savoir recevoir.

Envisagez-vous de revenir en Alsace pour y développer des projets artistiques ?
Je ne crois qu’aux allers. D’ailleurs je viens régulièrement en Alsace, m’impliquant pour sa scène artistique via des expositions avec le centre d’art CEAAC et l’association SAAMS, des collaborations avec des artistes de la Région tel.le.s que François Bauer, Marianne Marić, Lucille Ulrich ou avec la peintre Emmanuelle Castellan, professeure à la HEAR, ainsi qu’avec une dizaine de poteries du territoire.
Quel conseil donneriez-vous à un jeune Alsacien rêvant d’une carrière similaire à la vôtre ?
Faire. Faire des expositions, les voir, les fabriquer. Faire confiance à ses intuitions. Faire même quand c’est difficile, laborieux, impossible. Faire vivre sa communauté. Faire durer. Faire à sa façon. Faire libre.