Lorsque les Talibans prennent le pouvoir en Afghanistan en 2021, Gul Baloch, 29 ans aujourd’hui, est menacé pour ses activités dans les ONG et ses réunions d’écrivains autour des questions d’égalité, de droit des femmes et des enfants, ou d’athéisme. La journaliste Solène Chalvon-Fioriti, réalisatrice de documentaires sur les Afghanes, l’aide à rejoindre la France. Lui qui connaît Strasbourg à travers Sartre et Malraux qu’il a lus, passe alors son temps dans les librairies. C’est là qu’il rencontre Claire Audhuy, auteure notamment d’Un nôtre pays, et qu’il se présente : « Je m’appelle Gul, et j’aime les livres ».
« Les livres c’est la connaissance »
L’écrivain a publié six livres dans son pays. La chouette qui en savait beaucoup et la petite fille qui voulait apprendre est son dernier. Illustré par une femme, il a valu plus de 200 jours de prison à son diffuseur…
Alors les collégiens de Hœrdt veulent savoir pourquoi il a choisi ce métier. Il raconte :
Je demandais à mon père d’acheter des livres, mais il disait « un autre jour » ! À 15 ans, quand je suis arrivé à Kaboul, j’ai compris : la ville était très loin et nous n’avions pas de voiture, et les livres coûtent très cher. J’ai décidé d’écrire pour que chacun puisse trouver des livres.
Claire Audhuy ajoute que souvent, « il n’y a qu’un seul livre dans les maisons, lequel ? » « Le Coran », répondent les 6e. « Et quelle vision du monde avez-vous alors ? » « Une seule. Les livres c’est la connaissance, savoir rend libre. »
Emmenés par trois professeurs, Mme Dubuc en français, Mme Gräser en allemand, Mme Urban en anglais et la documentaliste, Mme Demongeot, les collégiens ont travaillé sur les écrits de Gul et de Claire, mais aussi sur les films Malala et Parvana. Or ils connaissaient l’Afghanistan grâce « aux infos et aux parents. C’est la guerre, la misère, ils n’ont pas de libertés. Les femmes sont des fantômes ».
Le sujet de la scolarisation des filles y est dangereux, mais Gul l’a abordé : « Les garçons sont toujours les héros, et dans les classes, c’est difficile pour les filles, c’est pour ça que j’ai imaginé une héroïne ». Un élève résume le conte : « Suraya doit ramener un livre, mais n’en a pas, alors une chouette lui raconte l’histoire du papillon et du cerf-volant. L’un est attaché à un fil, l’autre est libre ».
Journal d’une jeune fille afghane
De là est né un arbre à haïkus présenté pour l’occasion : « Être un garçon, c’est symbole de liberté », « L’école est la clé d’un futur radieux », lisent deux collégiens. À Gul d’ajouter : « J’étais écrivain en Afghanistan ; je suis écrivain en France ; je serai écrivain en France et en Afghanistan » devant Claire Audhuy ébahie par la temporalité. « Gul a commencé à écrire le journal fictif d’une jeune fille afghane dont il m’envoie 10 à 15 lignes en français par jour, tout au présent. C’est plein de fraîcheur, sourit-elle. Le voilà qui rêve en français au futur ». Rêver pour lui, sa femme Sabira et son fils Yann, prénommé ainsi « parce qu’il est né en France ». Et au futur pour son pays.