Nous sommes au milieu des années 60, Honda n’est pas encore connu pour ses productions automobiles qui restent confinées à son archipel natal. Le constructeur nippon a déjà séduit le monde entier grâce à ses motos qu’il distribue avec succès depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Honda en veut plus et s’attaque à l’automobile. Après avoir fait ses armes sur les S360, S500 et S600 uniquement sorties au Japon, le « H » part à la conquête de l’Occident avec la S800 et un ambitieux programme d’investissement dans la F1. Les deux paris seront gagnants. Honda écoule environ 12 000 exemplaires de son coupé sportif, dont un bon tiers en France, et remporte, en 1965, son premier Grand Prix à Mexico.
Première de cordée
À voir la bouille de la S800, on comprend immédiatement les raisons qui ont fait son succès. Le coup de crayon est un coup de maître. La griffe, simple et joviale, résiste parfaitement à l’outrage du temps. L’avant est particulièrement réussi avec ses optiques rondes qui vous regardent dans le fond des yeux et ce capot galbé porteur de promesses. Les proportions jouent les prestidigitatrices. Le choix de réduire au maximum le porte-à-faux avant au profit de la poupe donne l’impression que la sportive est assez haute et beaucoup plus grande qu’elle ne l’est réellement.
Imaginez : la S800 tient dans 3,34 m de long, 1,40 m de large et seulement 1,20 m de haut ! Une taille pour le moins contenue qui lui permet de ne pas dépasser les 800 kg sur la balance (755 kg), malgré des chromes bien placés (pare-chocs, rétro, bouchon de réservoir, etc.) et des joncs autour des vitrages.
L’intérieur est plus austère. L’espace est restreint mais la position de conduite, proche de la route comme dans un kart, est parfaite. Les amateurs de BD se rappelleront que l’éternel Spirou de Franquin conduit une S800 croquée sous toutes ses coutures par le célèbre dessinateur.
Un moteur… de moto !
Les proportions lilliputiennes de la S800, par contraste, rendent impressionnant le moteur que l’on découvre en ouvrant le capot. Il s’agit d’un 4-cylindres en ligne atmosphérique de 798 cm3.
L’ADN motard de Honda s’y retrouve. Le vilebrequin tourne sur des rouleaux, comme sur les deux-roues du « H » ! La S800 a délaissé la transmission par chaîne encore présente sur les S500 et S600, mais il s’en est fallu de peu car la version originale non exportée l’avait toujours. Avec ses quatre carburateurs Keihin – imposant une admission démesurée –, le bloc développe 78 ch et un couple de 66 Nm qui ne trompe pas sur ses origines motardes.
La conduite ne déroutera pas les représentants de la gent casquée, mais les pilotes automobiles devront prendre leurs marques. Le bloc monte très vite dans les tours, les vitesses se passent vers 5 000 tr/min et la puissance maximale est délivrée entre 8 000 et 11 000 tr/min ! L’agilité est le grand point fort de cette S800 qui se conduit comme un kart. Double échappement oblige, la sonorité enivre, mais fatiguera aussi rapidement sur les grandes routes à 4 000 tr/min en 4e… La vitesse maximale est de 160 km/h et le 0 à 100 est avalé en 12 s. De belles performances pour une voiture vendue alors une bouchée de pain. À titre de comparaison, la R8 Gordini met 13,7 s pour atteindre 100 km/h, malgré son bloc de 1 300 cm3…
La S800 est ainsi pétrie de qualités qui en font une voiture recherchée sur le marché de l’occasion où on la trouve aussi en cabriolet. C’est d’autant plus vrai que le moteur vieillit bien et que les problèmes d’oxydation sont contenus. Les pièces sont toutefois difficiles à dénicher.
Même si l’on trouve des offres à partir de 20 000 €, comptez 30 000 € pour un modèle bien entretenu. Étant donné le pedigree de la belle (première Honda exportée, moteur de moto, style aimable, etc.), il y a peu de chance de voir les prix baisser.