Comment vous définiriez-vous en tant qu’écrivain ?
Je suis né en littérature à cause de–ou grâce à–un accident. Je faisais beaucoup de cyclisme, dans les descentes, je dépassais les voitures, j’étais fou, j’ai vu la mort de près. À 18 ans, j’ai eu un accident et il y a eu un déclic. Je me suis mis à écrire, je n’aurais jamais cru, et je pensais que ça allait s’arrêter. Eh bien non, cela fait 49 ans que j’écris, c’est incroyable, quelle belle histoire ! Je ne m’explique pas ce mystère de la création, j’écris tous les jours, j’ai une chronique sur mon site, c’est une passion qui m’anime depuis toutes ces années.
Mais étiez-vous un grand lecteur dans votre jeunesse ?
Un petit peu, je lisais comme ça… Quand j’ai eu 7 ans, j’ai contracté une tuberculose pulmonaire et je suis parti en sanatorium. Je n’étais pas du tout scolarisé, et livré à moi-même pendant deux ans qui m’ont appris à me battre, parce que la vie est un combat. Et après ce parcours très chaotique, c’est une prof de français qui m’a sauvé, Mme Frère, à l’Esplanade à Strasbourg. J’ai rattrapé le niveau et j’ai pu faire de la comptabilité, c’est atypique comme parcours ! J’ai eu la chance dans ma vie de rencontrer toujours les bonnes personnes au bon moment, des anges gardiens qui m’ont permis de continuer.
Y a-t-il eu d’autres anges gardiens ?
Oui, j’avais une tante aussi, c’est elle qui m’a amené à Briançon en sanatorium. Elle offrait des luminaires à tout le monde, on l’appelait Tante Lumière, parce qu’elle était lumineuse aussi et avait la foi !
Avec près de 70 ouvrages, écrivain est votre métier ?
Je ne suis pas un professionnel, je n’en vis pas, j’ai travaillé dans la comptabilité, au Conseil général, au théâtre, dans la culture… J’ai aussi créé L’ancrier éditions, et publié des auteurs roumains, polonais, mais j’ai arrêté en 1997. Moi, j’ai commencé par de la poésie, et c’est difficile d’en vivre !
Je suis le premier étonné du nombre d’ouvrages, chaque fois je me dis, c’est le dernier ! L’écriture m’a tout donné, et c’est un grand prix littéraire national en 1979 qui m’a mis le pied à l’étrier, le prix Vallis-Clausa, pour mon poème Calculs amoureux. Il a été publié en parchemin dans le monde entier, et il est offert aux mariés de la commune !
Quels titres-phares retiendriez-vous dans votre bibliographie ?
Il y en a beaucoup ! L’année dernière, j’ai sorti un livre qui me raconte moi dans ces rencontres avec mes anges gardiens, c’est Le monde n’est jamais aussi beau que quand on l’aime ! J’ai écrit une demi-douzaine de livres sur le vélo aussi, dont Tous en piste. Je faisais 40 km par jour pour aller au boulot et j’ai fait des tas de rencontres en route, je suis un passionné ! Et le dernier, Le magicien en manteau rouge, pour rallumer la féérie, parce que moi je crois toujours au Père Noël. Pour nous tirer vers le haut dans ce monde tristounet, nous avons besoin de magie, de spiritualité…
« J’ai mis mes textes à l’oralité, pour partager ces instants et être un pérégrin, depuis une quarantaine d’années avec mes amis musiciens »
Le magicien en manteau rouge est un recueil de textes et poésies écrits au fil des générations. Avez-vous des enfants ?
J’ai trois enfants, chacun a participé à sa manière à mon activité d’écrivain, mon fils Thibaut a réalisé mon site internet, ma fille Claire-Elise a fait les photos de L’Antre-chats. Il y a aussi Marie, l’aînée, et mes petits-enfants Jules, Camille, Gustave et Alfonse. J’ai besoin d’enchanter leurs vies, j’écris pour eux. On dit souvent que les grands-parents apportent beaucoup aux petits-enfants, mais l’inverse est aussi vrai. Et puis finalement, je suis resté moi aussi un enfant, j’arrive à être émerveillé et surpris par plein de choses !
On ressent votre âme d’enfant dans le livre, mais aussi une certaine spiritualité, vous parlez parfois de Dieu…
Oui je veux garder cette flamme en nous. Il y avait un livre La lumière que l’on laisse, le titre est important, car les rencontres c’est laisser de la lumière dans les yeux des gens. Certains peuvent parler de hasards, mais une succession de hasards devient hasardeuse, et presque impossible ! (rires) Je ne crois plus aux hasards, mais j’ai la foi, j’ai besoin d’être porté par la lumière, et besoin de ces rencontres avec l’absolu aussi. Par exemple, j’ai un jardin et les gens s’arrêtent et discutent, comme s’il y avait de bonnes ondes. J’espère faire un livre là-dessus l’année prochaine, le jardin comme lieu de passage, de vie, de partage, et de rencontre entre les éléments. La vie est belle !
Vous utilisez différentes formes pour exprimer cet optimisme aussi, notamment les lectures en musique. Comment est née cette idée ?
En 1985 au Conseil général, la directrice de la Bibliothèque départementale de prêt m’avait suggéré d’aller y présenter mes textes, parce qu’il n’y avait que des conférenciers à l’époque. Donc j’ai commencé des tournées qui ont bien pris, les gens ont vu que la poésie n’était pas si hermétique que ça, et que c’était une rythmique, une musique. J’ai mis mes textes à l’oralité, pour partager ces instants et être un pérégrin, depuis une quarantaine d’années avec mes amis musiciens. Eux-mêmes ont l’habitude des salles de concert, et là, les personnes sont autrement à l’écoute, plus proches. J’ai même fait la voiture spectacle dans le train de Strasbourg à Lyon, en tant que poète invité, c’était fabuleux ! L’alchimie marchait parce que le public prenait le temps d’écouter. Un jour, des bidasses sont venus, et l’un d’eux m’a acheté cinq exemplaires de A deux pas de l’amour. Il me les a fait dédicacer à cinq demoiselles différentes. La littérature m’a tout donné ! (rires)
La littérature vous a même donné un prix Goncourt, racontez-nous !
(Éclats de rire) Nous avons une maison dans les Vosges, et j’ai fait un poème sur l’andouille du Val-d’Ajol. Il y a quelques années, ils ont remis le prix de l’Andouille ou le Goncourt de la charcuterie. Je l’ai eu, j’ai été intronisé ! Comme quoi, il ne faut pas trop se prendre au sérieux et savoir s’amuser !
Les dates à retenir
La tournée « Accordéons-nous tous autour de Noël » du Magicien en manteau rouge fera étape à la bibliothèque de Diemeringen le 23 novembre à 11h ; au Couvent de Reinacker à Reutenbourg le 24 à 15h30 ; à la médiathèque de Morschwiller le 30 à 11h ; à la médiathèque de Weyersheim le 7 décembre à 15h ; à la bibliothèque de Mundolsheim le 14 à 11h ; et à la bibliothèque municipale de Rosenwiller le 20 à 20h. Les musiciens Nicolas Meyer (guitare), Jeanine Kreiss, Fabien Christophel et Anthony Paul (accordéons) accompagneront tour à tour les lectures. Infos sur : www.laurent-bayart.fr