S’il y a bien une évidence, c’est cette relation qu’entretient la littérature avec les cafés. La preuve avec différents récits qui célèbrent ces endroits hors temps, les nombreux lecteurs pour qui la meilleure place de lecture se trouve à l’ombre d’un zinc, sans parler des photos innombrables sur les réseaux qui allient une tasse fumante au côté d’un livre. Alors cette semaine je vous emmène à Vienne à la terrasse d’un café. Celui au cœur duquel Robert Seethaler a décidé de nous transporter dans son nouveau récit.
L’histoire se déroule à la fin des années 60 à Vienne, dans ce quartier populaire près de la Leopoldstrasse, du Prater et du vieux Danube. De cette énergie nouvelle parcourant la ville et tentant d’effacer les stigmates d’un passé douloureux, Robert Simon, 31 ans, orphelin et célibataire, homme à tout faire au marché, se décide à reprendre un café abandonné, nourrissant le rêve de continuer à célébrer une vie de quartier. Encouragé par les commerçants du marché, il va transformer le local à l’abandon en un lieu sobre et accueillant. Dans ce café qui restera à jamais sans nom, vont se croiser des vies, celles pour lesquelles l’auteur nourrit une véritable affection. Ces existences simples, marginales ou routinières, racontant chacune leur histoire, campées dans leur solitude, leurs espoirs ou leurs regrets. L’auteur tel un photographe excelle dans cet art du portrait qu’il livre, empreint de douceur et d’émotion. Et ce n’est pas parce qu’il ne se passe rien en apparence qu’il n’y a pas de grandeur au récit, au contraire. Narrer le quotidien, les anonymes est un art que l’auteur maîtrise à la perfection. On se délecte à observer ce monde qui, grâce à la prose de Robert Seethaler, lui confère une véritable poésie, une tendresse particulière. Il offre ici un véritable portrait d’humanité. Alors oui, parfois une tartine de saindoux ou des cornichons au sel suffisent au bonheur.
Sans aucun doute une fois encore l’art de Seethaler nous attache à ces destins avec ce talent qui le caractérise. Il tisse avec aisance et délicatesse les fils du temps qui passe, permettant de nous rappeler la nécessité de cet arrêt au comptoir, moment inédit nous plaçant au plus près de la vie.