Béton armé

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Je l’aidais à porter ses sacs de fruits et légumes lorsqu’elle a dit le monde est tellement laid je n’ai plus envie de rien, ma voisine, l’autre jour en ouvrant son verrou. La violence me hante, ces enfants qui perdent la vie, c’est l’humanité qui perd son âme, comment fais-tu pour garder le sourire, elle a ajouté avant de prendre ses provisions 21,2 % plus chères qu’il y a deux ans et de fermer sa porte sans attendre ma réponse.

Je n’allais pas lui dire que je travaillais pour Maxi Flash, cela serait un peu exagéré, je n’allais pas lui annoncer que c’est elle qui me donne envie de sourire lorsque je la croise, parce que justement au moment où elle m’a fermé sa porte au nez, je l’avais perdu mon sourire. Il est de façade de toute façon ces temps-ci, dans ce pays décrépit, ce pays où tant de gens bien de toutes les religions ne sont pas entendus. Des gens béton, sur qui on peut compter et je crois pouvoir dire que c’est une grande majorité d’entre nous, des gens qui pourtant ne disent plus un mot de peur d’être placés dans une case.

La vérité c’est que ceux qui réfléchissent un peu, qui ne parlent pas à tort et à travers, qui essayent de comprendre ne savent plus quoi dire. Et que dire ? À part des banalités comme je suis contre la violence dans la seconde où elle arrive, je condamne la Guerre. Oui, évidemment, OUI. On n’a plus le droit de simplement le penser ? On est obligé d’apporter sa voix indispensable sans doute ? Elle a raison ma voisine, même si ce n’est pas enfermé chez soi que l’on attrape un coup d’amour, je comprends que pour supporter tout ça et retrouver un moral en béton, elle ait envie de se taire, même avec son voisin sur qui elle peut compter.

Je n’ai pas eu le temps de lui annoncer la bonne nouvelle de la semaine : la grande majorité des Français disent qu’ils ont compris les enjeux liés au dérèglement climatique, qu’il y aura un impact sur leur vie très vite ! On avance, sur les rénovations énergétiques aussi, 18 % des émissions de carbone. C’est maigre comme bonne nouvelle, mais on s’accroche à ce que l’on peut pour se refaire la cerise, en se disant qu’un jour la belle nature reprendra le dessus, comme un arbre à travers du béton.