L’année dernière, Les Bredelers ont fêté leurs vingt années d’existence. Malgré toutes ces années, vous êtes presque toujours restés fidèles au dialecte alsacien !
C’est impressionnant. Nous n’avons pas vu les années passer, comme diraient les anciens. Si nous en sommes ici aujourd’hui, c’est que nous avons su traverser les époques. Notre passion commune du rock nous a portés. De plus, étant le dernier membre alsacien de la troupe, j’ai toujours été attaché à mon dialecte. D’ailleurs, personne ne me l’a jamais appris. Je l’ai étudié et appris tout seul, et il m’arrive encore de continuer à l’apprendre. C’est une richesse qui nous appartient. Dans l’album précédent, Dodekopf, que nous avons beaucoup aimé produire, nous avons tout de même l’impression de nous être égarés, aussi bien dans la musique que la langue utilisée. Nous chantions en alsacien et en français. Il manquait de liant, son concept n’a pas été suffisamment expliqué. Nous avons compris que chanter en alsacien est ce qui fait la force des Bredelers.
Pendant trois ans, vous avez travaillé sur ce nouvel opus, Deifel’s Peel, qui sortira le 25 avril. Que dire de votre processus créatif ?
Pour lui donner vie, nous avons réalisé une immersion au FH Studio de Simon Muller, notre ingénieur du son. Il a beaucoup de talent, aussi bien en concerts qu’en studio. Il est à l’origine de plus d’une centaine de disques pour divers artistes. Il est devenu un ami proche. En arrivant chez lui, nous n’avions pas d’idées claires, sauf une : tout chanter en alsacien. Nous avions la volonté de réaliser un disque plus organique, en nous rassemblant dans une pièce, à « jamer » pour trouver des idées, comme à nos débuts en tant que musiciens. Nous partions des riffs de guitares pour composer la musique. Une fois l’ensemble musical construit, nous nous sommes penchés sur les « top lines », les mélodies. En travaillant l’alsacien, qui peut sonner assez rude, nous sommes partis à la recherche de sonorités se rapprochant de l’anglais, tout en utilisant des images. Ensuite, j’ai retravaillé les textes avec mon co-auteur. De plus, nous aimerions aussi saluer Bénédicte Keck, comédienne à la Choucrouterie, qui a participé à l’élaboration de l’album en homogénéisant l’orthographe des textes. L’alsacien est une langue parlée, bien plus qu’écrite. Bénédicte nous a fait profiter de sa maîtrise.

Parlons maintenant du contenu des chansons. Elles sont 12 sur l’album. Qu’est-ce que vous racontez ?
Sans le vouloir, nous nous sommes rendu compte que chaque morceau transmettait une émotion différente. Nous avons décidé de jouer sur cet aspect et d’associer chaque chanson à une carte de tarot. L’idée est que nos auditeurs les interprètent et se fassent leurs propres idées. Pour donner vie à ces cartes, nous avons travaillé avec un tatoueur nancéien, Olivier Volodimer. Il a aussi réalisé la pochette du disque, où figure un diable tenant les cartes de tarot dans sa main droite et la Terre dans la gauche. Par cette image, nous avons voulu montrer que si les émotions sont mal gérées, elles peuvent mener au chaos. C’est l’idée générale de Deifel’s Peel.
Maidel, qui figure sur l’album, est déjà sortie sur les plateformes. Est-ce une bonne entrée en matière ?
Une très bonne entrée en matière, oui. Sa sonorité néo-métal affirme la nouvelle direction du groupe. C’est un titre qui nous plaît beaucoup. Elle traite du désir et de la lutte contre l’inévitable. Dans le clip, le personnage combat un désir pour une femme qui n’apparaît jamais et qui incarne l’inévitable.
Parlons maintenant de la création physique du disque. En plus d’avoir utilisé une partie des fonds de votre association Elsass on the rocks et d’avoir perçu quelques subventions, vous avez lancé un financement participatif…
Effectivement, et ça a été un succès. Elle s’est achevée en janvier. Nous avons récolté 7 000 €, sur 5 000 € souhaités. Faire un disque physique, c’est très cher, et nous n’aurions pas pu parvenir à lui donner vie sans ces fonds. En plus d’être un objet musical, c’est aussi une pièce de collection. Nous avons beaucoup travaillé le contenu et le contenant. Nous en sommes fiers. Petite exclusivité : chaque CD contient un QR code. En le flashant, vous atteindrez une page cachée de notre site internet et vous pourrez découvrir les traductions des textes de nos chansons.

Le 24 avril, vous présenterez l’album sur la scène de l’Espace Django de Strasbourg. Pressés de retrouver votre public ?
Bien sûr. Nous sommes tous pressés d’y être ! D’autres dates suivront, dans la région, mais surtout ailleurs. C’est ce que nous recherchons. Nous avons envie de faire notre travail de troubadours, de diffuseurs. L’objectif est de nous faire connaître au-delà des frontières régionales, pour faire découvrir notre langue et notre culture au plus grand nombre, tout en s’éloignant des symboles et des idées reçues connus de tous. Nous réalisons un gros travail d’image pour montrer que les Bredelers ne sont pas uniquement des comiques musicaux alsaciens. La musique alsacienne peut être classe, la preuve !
Le chiffre
1 600 000 : C’est le nombre de vues comptabilisées sur le clip de Bombom Stand, posté sur YouTube en 2006. Cette chanson, qui a longtemps sonné comme un véritable hymne alsacien, est le plus gros succès des Bredelers.