Vous qui avez fait des études de philosophie, que répondez-vous à la question “qui êtes-vous ?” Vous avez quatre heures !
Je suis anthropologue, ou ethnologue, et philosophe de formation, mais je suis multitâche. Je suis aussi diplômé en cinéma, langue et culture régionale, en lettres modernes, en psychanalyse (rires) ! Il n’y a pas tellement de hasard là-dedans, dès le très jeune âge, je me suis intéressé aux livres, et j’ai aussi été marqué par la série télé Kung fu avec David Carradine, créée par Bruce Lee qui avait aussi une licence de philo !
En arrivant à l’université je me suis vraiment lancé dans les arts martiaux avec le karaté d’Okinawa, le kung-fu, le tai-chi, et après il fallait faire des mémoires sur des sujets précis. Et quoi de mieux que d’étudier ce qu’on pratique et les cultures qui y sont liées ?
Puis j’ai été enseignant un moment, de la maternelle jusqu’en prépa, en français, philo, allemand, alsacien ! (rires)
Quand la poésie est-elle entrée dans votre vie ?
Je suis né en mai 1968, et pour moi ce n’est pas une année, mais une profession de foi ! Ado, j’ai toujours été très fier quand j’ai commencé à écrire de la poésie, parce que c’était une vocation, j’ai toujours été un rebelle. Mes premiers poèmes en français et en alsacien m’ont valu quelques prix, et je dirigeais le journal du lycée que j’ai appelé Goulag. On m’a baptisé le James Dean de la poésie alsacienne, ce qui est assez cocasse, ou le Bob Dylan alsacien, jusqu’à ce que je prenne les choses en main. Un ami banjoïste m’a appelé l’ethno-poète, ça a été repris partout et cela me convient. Mon amie écrivaine Sylvie Reff a été ma marraine littéraire, elle était ma prof au collège et elle fait partie avec Dinah Faust de mes bonnes fées, qui m’ont poussé à chanter, écrire.

de l’ethno-poète. / ©sb
À propos de chanson, quand faites-vous vos premières scènes ?
Ma mère écoutait beaucoup de musique, mes oncles et parrains étaient dans des groupes, je ne me suis pas trop posé la question. J’étais fan de rock-a-Billy, d’Elvis Presley, des Beatles, et c’est là que j’ai remarqué que j’avais une voix pour chanter en américain. J’écoutais la radio des GIs, je répétais tout ! Je me suis pris de passion pour la Louisiane et l’Acadie, la chanson cajun et aussi amérindienne avant d’écrire les miennes. J’ai également une passion pour l’indo-asiatique et le Japon, pour un Alsacien qui est né entre plein de cultures, ça fait sens !
Vous avez aussi fait partie de groupes et de l’organisation du festival Summerlied…
Oui, mes potes Les guitaristes associés à partir des années 90 m’ont poussé à chanter, et le public était réactif, peu importe la langue utilisée. Puis j’ai été plus d’une vingtaine d’années dans le comité de l’Association des auteurs et artistes d’Alsace—l’AAAA, on avait le sens de l’humour ! En 1997, Dinah Faust, présidente d’honneur du festival Summerlied, a dit à Jacques Schleef, le fondateur : « C’est à Ohlungen, alors il y aura Olivier ? » Du coup il m’a appelé, et moi j’ai convié les peintres, les poètes, les écrivains, les conteurs pour ce qui est devenu le Bàbbeldorf dans la forêt. J’y ai aussi chanté moi-même, et parfois en ouverture d’artistes comme Zachary Richard, le plus grand chanteur de Louisiane, mon idole. Ces deux expériences m’ont permis de prendre ma place dans le paysage culturel alsacien, je suis toujours un peu le bizarre, mais on comprend mieux ce que je fais.

avec un chapeau au bandeau amérindien. / ©Dr
Quand ouvrez-vous votre cabinet Alsace Shiatsu-do ?
Vers la quarantaine, tout ce que j’ai fait a commencé à se rassembler. J’avais déjà un pied dans les soins énergétiques en shiatsu japonais et qi-gong, et à peine nommé praticien, mon maître me bombardait enseignant. C’était la suite logique d’ouvrir ma propre école en 2015. Je suis dans l’accompagnement à la santé, la guérison ne m’appartient pas, je viens en complément des médecins et thérapeutes qui m’envoient des patients. L’idéogramme chinois ancien pour médecine, c’est le même que musique, ça me parle bien ! Les gens viennent presque comme dans un cabinet philosophique aussi, je réexplique leur problème pour qu’ils le voient autrement, au regard d’autres cultures… Le dojo est un lieu de vie, de cours, d’expositions, de musique, toujours selon l’idée Bun bu ichi : les arts et les arts martiaux sont une seule voie. Et comme je suis vice-président des Amis du festival Summerlied, je remets les prix du concours littéraire lors de mon salon des auteurs et artistes au dojo chaque année.
Venons-en à votre actualité, le recueil de comptines Ohlùngerreïmle. Au regard de tout ce qui vous imprègne, que représente l’alsacien ?
J’avais écrit de petites comptines alsaciennes que j’utilisais avec mon premier groupe, pour transmettre l’alsacien aux écoliers, et je me suis dit qu’il fallait un vrai livre. Mon ami peintre Pierre Koenig l’a édité, avec ses dessins à l’intérieur. La première partie, ce sont des comptines traditionnelles réécrites dans l’accent d’Ohlungen et traduites. En deuxième partie, ce sont mes créations en alsacien avec une variation française sur le même thème. C’est le côté bilingue, chaque langue permet d’exprimer des émotions, et l’alsacien est la langue la plus intime pour moi. Je cherche des sponsors pour pouvoir l’offrir : pour l’instant 240 écoliers ont eu l’ouvrage, et Manon Zinck ou Isabelle Grussenmeyer l’utilisent.

Et vous, continuez-vous à chanter en alsacien ?
Je ne vais plus dans les écoles, je fais plutôt des spectacles dans les bibliothèques, les cafés littéraires, ou en maisons de retraite, mon répertoire est plus pour un public qui comprend mes messages. Je tourne souvent avec le Bàbbeldorf trio, avec le conteur Marcel Nock et mon instrumentiste Jean-Christophe Galen, avec des compos à lui et moi. On mixe tout ça et selon l’endroit, il y a plus ou moins d’alsacien. Nous proposons aussi des concerts chez les gens, même dans des apparts, c’est plus vivant. J’ai sorti un album entièrement en alsacien où j’ai traduit Tears in heaven, Céline et Knocking on heaven’s door parce que j’en avais marre d’entendre que l’alsacien est moche. En concert, les gens mettent du temps à se rendre compte que je chante en alsacien, moi je veux juste montrer que c’est une langue à part entière. Régionaliste, autonomiste, mais pas indépendantiste, parce que c’est toujours un partage. En tant qu’alsacien et fan d’autres cultures, je me sens plus ouvert et avenant envers les autres.
Commande du recueil Ohlùngerreïmle (10€ + 3€ d’envoi) par mail : summerleed@orange.fr. Infos sur www.facebook.com/ethnopoete et www.alsace-shiatsu-do.fr