samedi 23 novembre 2024
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Rien n’est su de Sabine Guarrigues

Ce livre est le récit grave et bouleversant d’une mère qui, pour contrer la barbarie, a choisi la force de l’amour et la lumière de la poésie. Éditions Le Tripode.

C’était un vendredi 13, un soir où l’air était doux. Suzon avait décidé de partager la soirée avec son frère au concert des Eagles of death metal au Bataclan. Elle avait 21 ans et la vie devant elle. Elle était une femme de son temps. Elle aimait le rock, boire des verres, bien manger. Elle se passionnait pour Zola et la littérature, elle venait de lire L’espoir de Malraux, admirait Modiano et voulait être journaliste. Et puis la vie s’est arrêtée, la figeant dans sa jeunesse immaculée. Arrêt sur image.

« maman t’es assise ? maman assieds-toi », comme un cri dans la nuit.

Un récit poignant et courageux

Il en faut du courage pour oser se confronter à cette nuit-là, se remémorer ce qui en a été la substance et regarder la barbarie, droit dans les yeux. C’est cela que nous livre Sabine Garrigues dans son texte. Un récit en vers libre sans majuscule ni ponctuation comme un souffle ininterrompu, un cri d’une douleur trop longtemps contenue. On sent la nécessité de refaire surface grâce au secours des mots pour survivre à l’innommable. Elle ne nous cache rien, de la sidération, de la douleur, de « ce grand écart entre les vivants et les morts, comme une gymnastique de chaque instant ».

Parce que la vraie question ici est celle de la survie, de ce chemin qu’il faut continuer à emprunter et de cet amour que l’on ne peut plus abreuver. L’absence suinte telle une plaie béante laissée par les kalachnikovs, une plaie à vif, à vie, que rien ne semble soulager. Un beau jour pourtant le voile se lève, un peu comme si la vie décidait de reprendre ses droits dans ce besoin de comprendre. Comprendre de quoi sont faits ces hommes devenus des terroristes, comprendre aussi l’histoire familiale venue résonner et ses racines algériennes. De ses lambeaux qui surgissent, la mère parvient alors à envisager cet inacceptable sous un autre jour, guidée par l’intime conviction que la reconstruction ne pourra se faire dans la lutte. Tout cela passera par la vie, comme l’unique façon de faire à nouveau jaillir la beauté, permettant non pas d’oublier, mais de redonner des couleurs au récit de l’existence.

« de sa tragique mort, Suzon m’a expulsée à vivre ». Faire émerger la lumière des ténèbres, n’est-ce pas la plus belle preuve d’amour que pouvait rendre cette mère à sa fille ?

Isa sur insta : l’odyssée des mots

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