Il ne tient pas en place. Impossible pour lui de rester tranquillement dans sa maison de Wiwersheim. Il a connu le frisson de la coupe d’Europe, la joie de marquer contre Marseille en Ligue 1, ou encore le délice de s’offrir un doublé contre le FC Metz. À 34 ans, Rudy Carlier a déjà refermé sa page footballeur depuis longtemps, mais pas celle de l’athlète.
S’il reste coach sportif pour des équipes de la région et pour des particuliers, l’ancien attaquant garde son ADN intact. « J’ai besoin d’aller chercher plus loin, de relever de gros défis, de savoir pourquoi je me lève le matin », lance Rudy, toujours aussi barbu. « Ce projet, je l’ai dans la tête depuis deux ans, mais l’inscription s’est jouée début août, un mois et demi avant l’ascension. Mais j’étais prêt, avec l’aide de l’association Femmes de Foot. »
« Celui qui marchait devant moi est tombé dans une crevasse… »
Face à la montagne, pas question de rigoler pour celui qui est plutôt du genre joyeux compagnon. Le matin même, en ce vendredi 18 septembre, son équipe apprend la mort d’un alpiniste dans des chutes de pierres. « Avec le réchauffement climatique, il y en a de plus en plus. On a décidé de faire demi-tour et de monter par le versant italien. Dans la cordée, celui qui marchait devant moi est tombé dans une crevasse. Il marchait et d’un coup, il était plus là. Il était harnaché, on l’a récupéré, mais ça te calme quand tu vois ça. »
Après trois jours à gravir des cols, Rudy se lance à l’assaut du Mont-Blanc le vendredi à 4 heures du matin. Neuf heures de marche et d’alpinisme plus tard, il touche au but : « S’il y a une bourrasque, tu décolles ! (rires) On est resté cinq, six minutes, et derrière, la descente, c’est à nouveau neuf heures… Mais à ce moment, tu sais que tu viens de faire quelque chose de grand. »
« Ma femme me déteste ! »
Le retour à la maison, lui aussi, est forcément particulier. « Ma femme me déteste », rigole l’ancien footballeur. « C’est vrai que ça peut paraître un peu égoïste, mais c’est une manière de vivre. Si je n’avais pas ça, je ne serais pas un bon père ni un bon mari. J’espère qu’un jour mes enfants seront quand même fiers de ça. »
Rudy, lui, recherche toujours la sensation forte. Il est déjà tourné vers le Kilimandjaro, puis « vers un 8000, le K2 ou l’Everest. » Des défis fous pour le commun des mortels, mais pas pour celui qui disputait des matchs contre l’OM ou le Barca.
Une carrière encore si fraîche dans son esprit que la sensation du buteur reste au-dessus d’un sommet des Alpes. « Le but à la 90e minute qui te donne la victoire, cette adrénaline-là, elle ne revient pas… »