lundi 3 février 2025
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Stéphanie de Turckheim – Assaisonne les traditions culinaires

À Heiligenstein, sur la propriété héritée de son père Gilbert de Turckheim—le fondateur de la Montagne des singes—, Stéph’ de T. est en pleine régulation des sangliers. À midi, c’est baeckeofe pour tout le monde dans l’abbaye, un plat pour lequel elle n’a pas feignassé, au contraire de son dernier livre. Sorti le 8 janvier aux éditions La plage, La cuisine des feignasses est son 130e ouvrage et il résume sa philosophie de bonne Alsacienne : quand on est organisé, c’est facile et rapide de bien cuisiner. Mais Stéphanie de Turckheim perpétue surtout les traditions familiales profondément enracinées, dans le jardin, la forêt, et la cuisine.

Vous avez grandi à Heiligenstein, comment décririez-vous votre enfance ?

J’ai ce souvenir de Truttenhausen, l’abbaye du 11e siècle à Heiligenstein, où j’ai grandi dans un environnement nature, terroir, famille. Je suis allée à l’école à Heiligenstein, à Barr puis à Lucie Berger à Strasbourg. Je suis une vraie Alsacienne, c’est toute mon enfance, j’adore les traditions et passer du temps en été à la piscine d’Obernai, retrouver mes amis, faire des pique-niques autour des châteaux, cueillir des myrtilles… En ce moment je fais 50-50 avec Paris, parce que j’ai repris la maison familiale et la Montagne des singes avec mon frère, après avoir perdu nos parents coup sur coup. C’est compliqué, on est dans la transition, la transmission. J’ai trois garçons et j’espère qu’un viendra vivre ici.

Mais êtes-vous plus campagne ou ville ?

J’aime autant la vie que fourmille, les musées, expos, théâtres, et puis cette tranquillité en Alsace, la vie qui m’inspire, les villages, les maisons, les gens, c’est chez moi en fait. Paris c’est un microcosme, on est un peu déconnecté. La vie, ce sont les saisons, voir les fleurs pousser, le soleil se lever et se coucher, avoir un rythme. Ce que j’aime en étant cuisinière à Paris, c’est redonner mon goût de l’enfance, et ma joie de la saison. Et je pense que si je continue à écrire des livres et que ça marche, c’est parce que c’est naturel, et que je suis contemplative du temps qui passe.

Elle a longtemps animé des ateliers à Paris, et fait des buffets à thèmes pour les entreprises. / ©Dr
Quelle est votre formation et comment arrivez-vous à Paris ?

Je rencontre un Alsacien, avec qui je pars vivre au Québec un an et demi. J’ai fait une école de commerce, puis histoire de l’art à l’université Laval. Je deviens galeriste en art Inuit, et quand on rentre, on s’installe à Paris. La cuisine, j’ai appris sur le tas, c’est ma passion. Dès 3 ou 4 ans, on allait cueillir nos salades, des champignons, des mûres, c’est facile quand on a un jardin et une forêt ! Et Grand-mère du côté de maman était une fine cuisinière, c’est elle qui m’a tout appris, en Haute-Marne. J’y ai passé beaucoup de temps, car quand je suis née, c’était le début de la Montagne des singes, mes parents me laissaient chez elle.

Avez-vous un premier souvenir culinaire ?

Oui, la confiture de fraises ! C’est pour ça que je fais une fixette sur les confiotes (rires) ! Le souvenir que j’ai, c’est la mousse, vous savez quand on écume la confiture, une espèce de mousse rose bonbon très girly, et je mangeais ça avec délice, des souvenirs de dingue ! Sinon avec papa, il existait plein de fermes auberges qui faisaient du chocolat chaud, la cuillère tenait debout tellement il était dense ! Avec l’énorme tartine de miel sur un pain de 4 cm d’épaisseur, ça, ce sont mes souvenirs de petite fille.

« L’idée, c’est de dire on peut bien se nourrir, si en amont tout est bien organisé ! »

Aujourd’hui, qu’aimez-vous manger ?

Des produits de saison, très simple en fait. J’aime bien toutes les nouvelles sauces, mettre des herbes et des petites graines, cuisiner sucré-salé, le sanglier thaï, au miel, au jus de pommes, beaucoup de légumes, et je fais beaucoup de compotes.

À Paris, vous travaillez chez Hermès, puis au Jardin d’acclimatation. Mais la naissance de vos enfants change vos priorités…

J’ai eu trois enfants en deux ans, c’est un peu le stress : Hugo est né en 1999, et en 2001, Edgar et Basile. J’arrête de travailler et un jour, je décide de créer un atelier de cuisine pour Hugo. J’invite des gens du square à faire des cours de cuisine chez moi dans le Marais… C’était drôle et ludique, et c’est comme ça qu’est sorti mon premier livre en 2005, Petits plats gourmands pour mamans au bord de la crise de nerfs. Il fait un carton, la maison d’édition me demande des suites, je fais des radios, et suis repérée pour être consultante en création et innovation pour de grandes marques… Puis je deviens chef pour enfants à l’Atelier des chefs en 2006, avant un atelier de cuisine de saison au Club des enfants parisiens. J’ai arrêté en 2022 pour accompagner la fin de vie de maman en Alsace.

Au contact des citadins, quel constat dressez-vous des habitudes alimentaires ?

En fait, j’ai appris la grande consommation que je ne connaissais pas. Moi j’ai élevé mes enfants comme j’ai été élevée, très simplement, on avait à 4h une barre de chocolat avec du pain. Mais les enfants n’ont plus ça aujourd’hui, plus le temps, la télé, les copains, etc. Donc je leur apprenais à faire des madeleines, des gâteaux au yaourt, des compotes, tout ça vite fait bien fait. J’ai essayé, pour qu’ils disent aux parents on préfère. C’était peut-être un peu fantasque, mais c’était pour leur redonner le vrai goût du chocolat ou du fruit.

Son dernier livre vient de sortir aux éditions La plage. / ©Dr
Justement, La cuisine des feignasses vise à retrouver le goût simplement. C’est une cuisine dans l’air du temps, trois ingrédients, 1/4h, à table ?

La feignasse, c’est la vraie bonne Alsacienne d’il y a 50 ans, tout est méga organisé chez elle, elle est efficace et ingénieuse. L’idée, c’est de dire on peut bien se nourrir, si en amont tout est bien organisé ! Donc elle peut inviter quinze potes au brunch pour une omelette, un tzatziki, des légumes grillés balancés du congélo sur la plaque du four avec du miel et de l’huile d’olive. Elle a un peu tout sous la main, parfois l’aide de machines, plus ses astuces et son humour pour rendre un plat magique…

Et ça, c’est typiquement alsacien ?

On est connues pour être organisées, rigoureuses, on peut compter sur nous, on rend notre travail à temps. Moi à Paris, on me traite de vraie bonne Alsacienne, c’est bon enfant, y’a jamais de lézard !

Vous parliez des machines culinaires, vous avez écrit On peut tout faire avec l’airfryer. Est-ce le futur de la cuisine ?

C’est une façon de voir comment les gens consomment et envisagent la cuisine. Ils ne feront peut-être pas de blanquette, mais des brochettes marinées dans la crème avec de la vanille… L’airfryer est une espèce de four à chaleur pulsée, ça réchauffe vite, ça cuit la côte de bœuf d’une façon dingue, le poulet grillé est magique ! Mais ça n’enlèvera jamais la cuisson d’un vrai four, et vous imaginez bien que moi avec mes sangliers, le cuissot est trois fois plus grand que la machine ! (rires)

Sa grand-mère maternelle, qui lui a appris à cuisiner,
a eu 103 ans en janvier. / ©Dr
Votre actualité, c’est aussi le lancement d’un think tank, appelé Nos campagnes…

Oui je suis membre fondateur, on l’a lancé en janvier. C’est un cercle de réflexion sur le monde rural, le terroir, pour promouvoir les campagnes, le patrimoine, les producteurs, les artisans et travailler sur les problématiques actuelles. Les urbains sont consommateurs de la campagne, ils ont besoin de pédagogie, de stratégie non politique pour avoir un regard positif, et faire de l’écologie pragmatique. On est en train de monter les différents sujets de réflexion. C’est très inspirant, parce que la campagne, c’est la vraie vie.

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