Vous partez avec l’ONG marseillaise Humani Terra, comment s’organise une mission ?
Juan Carlos Rivera : Les contacts étaient déjà en place en Équateur avec l’hôpital pédiatrique León Becerra de Guayaquil, géré par le professeur Ricardo Koenig. Nous emmenons les médicaments nécessaires et de quoi travailler, car les instruments chirurgicaux ont 50 ans là-bas. Un mois avant la mission, le Dr Bodero fait un battage médiatique et un tri, environ 200 patients se présentent. Le dimanche, nous en voyons 80 à 90 et rejetons les plus complexes, parce qu’on ne peut pas faire le suivi, ni de kiné. Donc on se limite aux angiomes, malformations congénitales, vasculaires, les mains en fente, les syndactylies, polydactylies… Du lundi au vendredi, on est au bloc de 8h à 18h, on s’arrête juste pour manger avec les locaux.

Pourquoi trouve-t-on tant de pathologies des membres en Équateur ?
En France, on a deux patients par mois, là-bas c’est cinquante en une semaine ! D’abord, l’IVG est illégale, ensuite, il n’y a pas de contrôle prénatal. Enfin, il y a le problème de la makila, c’est-à-dire les usines américaines les plus polluantes qui s’installent dans le Tiers-monde. Le gouvernement équatorien ne regarde pas les normes environnementales et les toxiques se retrouvent dans la nature.
Malheureusement, votre mission 2025 vient d’être annulée à cause des différentes crises qui agitent l’Équateur…
C’est une espèce de crise où tout se mélange, l’Équateur que j’ai connu est devenu violent. L’année dernière, j’étais avec Sybille Facca et son interne, deux jeunes femmes blondes dans la rue, ça se voit ! Pour les déplacements, on était escorté par une garde armée, mais à l’intérieur de l’hôpital on ne voyait pas la crise. Les coupures de courant, l’installation des narcotrafiquants, l’extrême gauche qui a déréglé l’économie… Aujourd’hui, le niveau de terreur est à 7 ou 8 sur 10. On est en attente des élections présidentielles et si la situation se stabilise, on pourra reprogrammer la mission.
La belle histoire
« Une vieille dame se sentait malade, elle avait travaillé la terre toute sa vie et avait adopté une petite abandonnée il y a trente ans. Elle avait les mains fermées, il fallait la nourrir. On a décidé de l’opérer pour lui créer la pince, maintenant elle peut prendre une cuillère. Sa mère nous a fait un témoignage touchant, elle peut mourir tranquille parce qu’elle sait que sa fille se débrouille. C’était émouvant de recevoir ça d’une patiente, ça nous paie tous les soucis et préparatifs. »