Vous êtes né à Paris, comment êtes-vous arrivé en Alsace, à Quatzenheim précisément ?
Pour ne rien vous cacher, mon épouse a fait ses études en Alsace, et nos connaissances et amis étaient en Alsace et à Paris depuis 1989, date à laquelle je l’ai rencontrée. En 2006, j’ai été admis à l’ENA, et en 47 secondes on a décidé de déménager en Alsace. En réalité, mon père avait été recueilli par une famille alsacienne en 1942, il venait de Pologne, c’est une région qui comptait déjà pour notre famille. Je suis alsacien d’adoption, et à Quatzenheim, parce que j’ai trouvé une ferme extraordinaire !
Y’a-t-il un héritage politique par votre famille ?
Mes parents n’étaient pas du même bord politique, les discussions à table étaient intéressantes ! Mais c’est un goût personnel que j’ai développé, j’ai toujours aimé la diplomatie et la politique, de par mes lectures aussi, du coup je me suis présenté à la mairie. Dans ma jeunesse, j’avais suivi des cours d’initiation à la vie locale et au mandat de maire, et j’ai beaucoup suivi la vie politique.
Que peut-on retenir de vos deux mandats de maire ?
Pour parler des sujets que je traite aujourd’hui à l’ADEME, Quatzenheim est un village très dynamique et l’engagement citoyen s’est exprimé pleinement. Comme je n’étais pas du village, j’avais proposé des tables rondes pour associer les habitants, et beaucoup de projets de respect de l’environnement ont émergé. La mise en place d’une redevance incitative, la reconversion de la décharge, le zéro phyto y compris dans le cimetière, les jardins partagés… Une somme de projets de transition écologique du quotidien, ces actions qu’on est heureux de mener. Par exemple les écoliers allaient voir les ruches sur la décharge réhabilitée avec des logiques de jachère et de prairie, des bassins de rétention… Ce sont des sujets très axés sur l’écologie de la vraie vie des villages, que l’on traite au quotidien en tant que maire.

Cette expérience locale vous a servi au moment de prendre la présidence de l’ADEME ?
Oui et mon parcours professionnel aussi : j’étais directeur du Gaz de Strasbourg (réseau GDS aujourd’hui), et on voyait des sujets comme le biométhane, avec des problèmes d’acceptabilité citoyenne… Beaucoup de thématiques que l’on traite aujourd’hui à l’ADEME, et qui m’ont donné une vision extrêmement concrète de l’élu local—maire d’un village de 1900 habitants, c’est très concret. Et j’ai vu aussi l’importance des communautés de communes qui ont pu articuler cela avec plus d’ingénierie. C’est vrai que je connaissais mal l’ADEME, je l’ai connue par mon expérience professionnelle dans les réseaux de chaleur, mais pas à l’époque de mon mandat d’élu.
D’où la création du réseau Élus pour agir, pour se rapprocher des territoires ?
Oui, 4000 élus nous ont rejoints en un an et demi, pour répondre non pas au grand problème théorique du dérèglement climatique, mais de façon concrète sur nos territoires. Et ça, c’est directement lié à mon expérience. Ce réseau, c’est un contrat moral de temps : nous sommes un opérateur de l’État, tout est gratuit, les élus nous consacrent une journée par an et deux heures tous les trois mois, et on balaie tous les sujets les uns après les autres. De rénover mon école en passant par la canicule, les financements de la transition écologique, les zones d’accélération, tous ces sujets du quotidien. C’est toujours la même approche : un expert de chez nous parle de la traduction concrète à l’échelle d’un village ou d’une ville, puis des élus témoignent, mais comme c’est sans journalistes ni citoyens ni services, les élus ne sont pas en représentation, ils sont entre pairs et parlent de réussites comme d’échecs. À la fin, on porte à leur connaissance les dispositifs financiers ou les outils qui existent.
« 3,4 milliards d’Euros ont été investis dans la transition écologique auprès des entreprises et des collectivités en 2024 »
Mais est-ce que les Français connaissent bien le rôle de l’ADEME ?
Les Français connaissaient à une époque les Points info énergie, parce qu’ils avaient eu la visite d’un tiers de confiance qui venaient voir leur bâti sans rien leur vendre. Aujourd’hui l’ADEME agit à 40% pour les collectivités locales et le reste pour les entreprises, et non pas en direct pour nos concitoyens. En revanche, à la demande du Premier ministre, nous avons trouvé plein de façons de présenter notre activité. La première, c’est sur la décarbonation des entreprises, ça peut paraître bizarre ou abstrait pour certains. Bien sûr, il y a les enjeux du climat, l’activité humaine est une cause importante du dérèglement, mais en dehors de ça, l’ADEME n’oblige pas un chef d’entreprise à décarboner, c’est lui qui estime que c’est une priorité. Parce que ses grands clients l’exigent, ou parce que son banquier finance l’économie verte, ou qu’il répond à des marchés publics et en 2026 il y aura des clauses environnementales obligatoires. Et en fait, décarboner, ce n’est pas très rentable, les entreprises ont besoin de l’État pour apporter des subventions, mais globalement, quand on décarbone, on pérennise, on protège l’emploi. Idem avec l’élu qui pilote par choix un réseau de chaleur, il est accompagné par l’ADEME et cela protège le citoyen des variations incontrôlables des énergies fossiles. L’ADEME a aussi une activité de mise en sécurité des pollutions, par exemple si une entreprise laisse des produits dangereux. Près de Colmar, il y a une grosse pollution au lindane (un insecticide cancérigène, NDLR) depuis des années, et l’ADEME a lancé des travaux très coûteux pour protéger la nappe d’Alsace.
Que répondez-vous aux climatosceptiques et à ceux qui mettent en doute le rôle de l’ADEME ?
Il y a beaucoup de débats sur l’ADEME et les montants financiers que cela représente. 3,4 milliards d’Euros investis dans la transition écologique auprès des entreprises et des collectivités en 2024, c’est beaucoup d’argent !
Mais 92% de cette somme a financé des projets de territoire, comme les réseaux de chaleur à Strasbourg ou à Mulhouse, et des projets d’économie circulaire ou de dépollution. Des sujets du quotidien qui pour moi, sans l’aide de l’État, ne se feraient pas. Ensuite, on a eu la chance d’avoir un audit très poussé l’an dernier et onze inspecteurs ont conclu que l’ADEME était globalement bien gérée et qu’ils recommandaient la hausse des effectifs. Mais finalement, les vrais sujets, ce sont les inondations, les mégas incendies, le scolyte dans les forêts vosgiennes, la sécheresse, tous ces sujets du quotidien ! Dire qu’on va mettre la tête dans le sable parce que Trump est là et qu’on va attendre que ça passe, c’est complètement à côté. Il faut s’adapter bien sûr, mais agir, et maintenant.