Louis a 23 ans. Il est sur le point d’obtenir son master II de commerce. Quand il était plus jeune, il allait s’asseoir sur les bancs du centre culturel de Brumath pour écrire ses textes. Dans ses morceaux postés sur internet, il se fait appeler « 109 », comme pour marquer la relève.
Il commence à écouter du rap au lycée et se met à écrire dans le même temps. Comme d’autres, à 16 ans, il fait ça uniquement pour le plaisir, ne rêve pas sérieusement de carrière et s’illustre le plus souvent en soirée : « Le vrai plaisir, c’est quand on passait la nuit à rapper. On voulait toujours avoir les textes les plus chauds pour les interpréter devant ses potes. C’est super motivant quand tout le monde le fait, et à l’inverse plutôt dur de se lancer tout seul. ».
L’importance du collectif
Pour Kage, rappeur haguenovien de 20 ans, le rap, « ça commence par des défis et ça finit par de vrais trucs ». Comme Louis, lorsqu’il commence à rapper il y a quatre ans, c’est avec des gens du coin, de son âge, et pour le plaisir. Il fait aujourd’hui partie de l’«ODV», un collectif de rappeurs qu’il a créé avec les mêmes personnes, celles du début. Le week-end dernier, ils étaient les invités de l’émission de radio locale « Hip-Hop from Elsass », diffusée sur la radio RBS. Le créateur du programme, Pierre, s’est donné la mission de mettre en avant tout ce qui se fait en matière de hip-hop sur le territoire.
Pour cet observateur et fin connaisseur du rap alsacien, il y a parmi la constellation d’artistes d’Alsace du Nord des pépites qui manquent juste de confiance, de réseau ou de visibilité.
Produit de leur environnement
Kage l’a toujours su, venir de Strasbourg «aurait tout changé» à son parcours et à sa manière d’évoluer. Cependant, comme le souligne également Marie, 20 ans, une rappeuse originaire de Weyersheim, à la campagne il est plus difficile de trouver tous les intermédiaires pour faire du rap, se débrouiller seul aide finalement à mieux comprendre les enjeux et à mieux s’investir dans la musique. Autre problème dû à la campagne, en raison de ses origines brumathoises, au début, Louis avait du mal à se situer par rapport à l’image type des rappeurs : « Quand j’ai commencé à rapper, j’ai senti que les autres mecs qui le faisaient avaient un autre vécu. Moi j’étais en dehors. Je n’ai jamais eu le physique, le profil. Et puis, je me suis rendu compte au final qu’ils n’en avaient rien à faire que je sois un petit blanc de lotissement. Ils n’ont jamais remis en cause ma légitimité. »
Le prochain Orelsan ?
Tous motivés, tous passionnés et finalement tous très différents, cette génération voit pourtant la plupart de ses rappeurs arrêter une fois arrivés dans la vie active.
La plupart ne fera pas de « vraie » carrière, de salles de concerts ou de profit grâce à la musique, mais ils représentent d’une certaine manière les successeurs des groupes de rock adolescents de l’avant rap. Mais, qui sait, le prochain Orelsan viendra peut-être de Brumath.