Dans le village de L’Escarpe, l’ennui est roi et les esprits s’échauffent vite. Alors, quand une vieille dame se fait voler un 45 euros et sa carte bleue, l’affaire prend une ampleur délirante. Deux voisins, Patrick et Daniel, tentent bien de rattraper le coupable, mais bredouilles, ils rentrent au Café Balto. Et là, la machine s’emballe. On parle, on accuse, on s’indigne. Très vite, un nom fuse : celui du petit ami de Virginie, l’esthéticienne. Il est discret, il est solitaire, il n’est “pas d’ici”. C’est suffisant pour qu’il devienne l’Autre, puis la Casquette, puis juste l’Arabe. Et quand un nom disparaît, la chasse peut commencer.
Oscar Coop-Phane orchestre ce crescendo avec une maestria glaciale. Il ne décrit pas, il assène. Chapitres courts, phrases sèches, tension qui monte. Les personnages ? Une ribambelle de types ordinaires rongés chacun par leurs névroses et leurs frustrations. Bertrand le radin, Sami le rêveur, Philippe et son chien Nono, des vies mornes qui trouvent enfin une raison d’exister : s’unir contre un ennemi commun. Pas besoin de preuve, pas besoin de justice. La meute a faim.
L’histoire file comme un train sans frein. Une fois le coupable désigné, plus personne ne questionne. L’Arabe devient une évidence, un fait admis. Il n’a plus d’identité, plus d’histoire, juste une faute imaginaire qu’il doit payer. Le groupe se forme, les décisions se prennent dans l’ivresse de l’indignation. Dans ce village où jamais rien ne se passe, la traque devient un frisson, une excitation, un exutoire. La violence n’a plus besoin de justification. Cette mécanique implacable, alimentée par la peur et le désir de trouver un coupable à tout prix, dévoile la fragilité d’une société prête à sacrifier l’autre pour exister.