L’Alsace doit la typicité de ses vins à un terroir exceptionnel et à ceux qui, génération après génération, ont su surmonter toutes les difficultés pour préserver les atouts d’un vignoble unique au monde.
L‘Alsace, ce sont 800 terroirs différents (à titre de comparaison, la Bourgogne en compte 60), des grands crus et des vins d’exception. Pourtant, la région souffre d’un déficit d’image, et ses produits ne sont pas appréciés à leur juste valeur. Pour quelles raisons ?
En premier lieu parce que les Alsaciens ne sont pas toujours les meilleurs prescripteurs de leurs propres vins. Aux yeux de nombreux consommateurs, aussi bien en France que dans le reste du monde, le vin d’Alsace reste un petit blanc bon marché. Une idée reçue que le CIVA, le Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace, est bien décidé à balayer, en remettant la région sur le devant de la scène. Tout commence par un nouveau logo, suivi d’une campagne d’envergure d’ici la fin de l’année sur tout le territoire français.
À un carrefour de son histoire
En 2017, le Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace engageait une réflexion sur l’avenir des vins d’Alsace, et en particulier sur la définition d’un positionnement marketing représentatif des évolutions entreprises dans le vignoble alsacien au cours des dernières années. Plusieurs ateliers ont été menés en lien étroit avec des représentants du vignoble (vignerons, chefs d’entreprise, responsables marketing…). En invitant Caves et Maisons à se joindre aux équipes internes pour mener ces réflexions, le CIVA souhaitait s’allier l’expertise des opérateurs présents sur les marchés, proches des problématiques terrain et porteurs d’innovation.
Le CIVA s’est réorganisé dans ses départements marketing, technique et économique. Une dynamique de service aux entreprises est née, sous l’impulsion d’organes de gouvernance revisités pour laisser plus de place à l’écoute des professionnels. D’importants chantiers ont ainsi été lancés depuis un an, et menés dans un esprit de construction collective et en étroite collaboration avec les professionnels de la filière, à commencer par les vignerons eux-mêmes.
L’ADN des vins d’Alsace, retour à l’essentiel
Le nouveau logo est la partie émergée de la future campagne de communication qui sera lancée à la fin de l’année. « On a fait les choses dans le bon ordre », affirme Gilles Neusch, le directeur du CIVA : « On a souhaité associer le vignoble dans la construction de cette nouvelle marque, car il s’agit bien d’une marque, le logo est sa signature ». Ce logo cherche son souffle dans le vignoble alsacien, dans les valeurs et symboles qui l’animent. La droiture des colombages et des rangées de vignes souligne la rigueur des vignerons. Les initiales sont solides, ancrées, comme ces crus qui puisent leur identité dans les profondeurs des sols alsaciens.
Élégante et majestueuse, la cigogne s’élève dans le ciel alsacien, évoquant la finesse de vins aériens. La recherche typographique retranscrit elle aussi ce mouvement élévatoire. Enfin au niveau des teintes, le brun anthracite s’inspire des colombages et du terroir; quant à l’or, il est le reflet de la brillance cristalline des vins d’Alsace. Une explication un peu tirée par les cheveux pour ce logo, qui se positionne néanmoins entre tradition et modernité.
Pour être vus et reconnus par le consommateur, les vins d’Alsace doivent annoncer clairement ce qu’ils proposent d’unique, ce qui les différencie des vins des autres régions.
« Une marque bien installée aide à différencier son offre. Elle constitue un point de repère rassurant pour le
consommateur », déclare le directeur du CIVA.
La force du choix
Dans une seule appellation, ce qui fait la particularité des vins d’Alsace, tous les terroirs viticoles du monde sont représentés. C’est très spécifique au bassin d’effondrement du Rhin et n’existe nulle part ailleurs dans le monde. Sur un étroit ruban de vignes, l’Alsace concentre une richesse géologique sans équivalent. La plupart des communes viticoles sont établies sur 4 ou 5 formations géologiques différentes. Toutes les formations du primaire au quaternaire coexistent et forment une mosaïque de sols singulière, matrice de grands vins de terroir.
C’est à la fois une qualité et un défaut, tant le choix est immense : « C’était un problème quand on ne l’expliquait pas, qu’on laissait le consommateur en face d’un tel choix de vins ; il peut s’y perdre, par rapport à des vignobles avec un seul cépage ou un seul terroir. C’est plus compliqué, mais nous voulons en faire une force, en l’expliquant. Ça n’a pas été fait suffisamment jusque-là, l’image n’était pas assez homogène », dit Gilles Neusch.
C’est une prise de conscience. Dans la nouvelle donne mondiale, il fallait s’organiser, réagir. Pour le directeur du CIVA, l’Alsace était endormie et dépassée par d’autres vignobles beaucoup plus offensifs, avec des communications produits plus lisibles. Le consommateur avait plus de repères.
« Nous aurions dû appuyer sur notre diversité », conclut Gilles Neusch.
Un savoir-faire unique en vins blancs
Un autre atout pour l’Alsace : ses vins blancs. Toutes les nuances du blanc se déclinent et représentent 9 bouteilles produites sur 10. On connaît ses grands vins secs et minéraux, effervescents, frais et aromatiques ou liquoreux d’exception. Les blancs se déclinent avec précision selon les cépages, les climats, les sols, les sensibilités, depuis des siècles, et avec un regain de soin et d’ambition à chaque nouvelle génération. Souvent vainqueurs dans le concours à travers le monde, les blancs d’Alsace manquent pourtant de notoriété, ils passent trop souvent pour des petits vins de comptoir, alors qu’ils sont devenus de grands vins, sans que la communication suive.
Le CIVA est prêt à changer les choses, pas seulement sur la scène internationale, mais aussi en France : « Nous avons de superbes pépites dans les flacons. L’alchimie entre le cépage, le terroir et la main du viticulteur fait, ou pas, le grand vin. Pour certains consommateurs, nous sommes restés sur la notion de cépages, ils ne se rendent pas compte qu’un même cépage sur différents terroirs donne des résultats très différents », assure le directeur du CIVA.
Un vignoble à taille humaine
C’est une page d’histoire qui continue à s’écrire et qui donne ses lettres de noblesse à notre vignoble, un vignoble à taille humaine, des vins qui n’ont rien à voir avec ceux des vignobles industriels que l’on trouve un peu partout dans le monde. En Alsace, les domaines (les plus petits de France) se transmettent de famille en famille. Le savoir-faire s’exprime parfois depuis 12 générations. C’est sans doute pour cela que les vignerons alsaciens sont si attachés à préserver leurs terres, leurs traditions, qu’ils aiment tant ouvrir les portes de leurs domaines et accueillir les visiteurs comme un membre de leur famille. « On veut faire transpirer tout cela à travers notre campagne de communication, pour que l’on voit clairement que les vins d’Alsace ne sont plus ce qu’ils étaient il y a quelques années, nous allons enfin mettre en avant tous les atouts des vins d’Alsace ». C’est le vin alsacien décomplexé.
La campagne sera déclinée avec de l’affichage traditionnel, mais aussi des actions online et des actions de terrain pour convaincre les prescripteurs que sont les restaurateurs ou les importateurs. L’accent sera mis sur l’Hexagone, où sont commercialisées 75% des productions alsaciennes, et sur les grandes villes d’Alsace. Le budget du CIVA sera sensiblement le même pour les presque 4000 viticulteurs qui financent le CIVA, la logique budgétaire est simplement un redéploiement des moyens (l’interprofession dépense 5 millions d’euros par an pour sa communication, soit 60% de son budget).
Le marketing n’est pas le seul domaine qui interpelle les vignerons alsaciens en ce moment. Les effets du changement climatique, la volonté affirmée de préserver l’environnement remarquable des territoires viticoles alsaciens, la recherche de l’amélioration continue de la qualité des vins, constituent les axes prioritaires sur lesquels le CIVA renforce ses moyens d’action. Pour Gilles Neusch, il est urgent de reconsidérer nos richesses, de redécouvrir ce qui se fait chez nous, plutôt que d’aller chercher ailleurs, pour que les Alsaciens soient tous gagnants.
Si les entreprises du vignoble relayent cette même information, nul doute que le message passera, comme une gorgée de grand cru.