samedi 23 novembre 2024
AccueilÀ la une« Il n’existe pas de bières d’hommes ou de femmes »

« Il n’existe pas de bières d’hommes ou de femmes »

À 33 ans, Anne Perra est maître-brasseuse à la brasserie Meteor. Portrait d’une jeune femme qui cultive l’amour de son métier dans un secteur encore perçu comme très masculin.

Elle signe ses mails par « Maître-Brasseur ». « L’appellation masculine ne me dérange pas », confesse Anne Perra dans un sourire. Pourtant, à la Brasserie de Hochfelden où elle officie depuis octobre dernier, c’est bien sous
« maître-brasseuse », qu’on la retrouve. La bière, une affaire d’hommes ? 

Un petit cours d’histoire s’impose. Car à l’origine, la « bibine » était avant tout une affaire de femmes. Dans la lointaine Mésopotamie, le brassage était surtout une activité domestique réservée aux femmes. Au Moyen-âge, en Grande-Bretagne, les « ale wives » (épouses de la bière), étaient ces femmes dont les amateurs de bières appréciaient boire les productions dans les pubs de l’époque. Originaire de la région parisienne, pas vraiment réputée pour ses bières, l’intérêt pour la boisson gazeuse est avant tout familial.

« Mon père aimait déguster des produits assez variés, il ne buvait jamais la même bière », se souvient celle qui a d’abord travaillé dans l’industrie du sucre. « Entre le sucre et la bière, le process est presque similaire dans le sens où il est complexe et vivant. Comme pour le sucre avec la betterave qui évolue avec les saisons, il faut s’adapter avec la levure pour la bière. Rien n’est figé », explique Anne Perra. Et c’est un des aspects qui lui plaît :
« Il faut savoir refaire une bière qui plaît au consommateur, assurer une stabilité, mais aussi innover et créer », ajoute la maître-brasseuse.

Bière fruitée, bonjour les clichés

Chez Meteor, elle dirige une équipe de 15 personnes, 100% masculine. « On commence à voir des femmes dans les brasseries. C’est encore assez peu le cas avec les équipes sur le terrain où les postes sont plus physiques, mais ça sera l’étape d’après », prévient-elle. Chez Heineken, où elle a travaillé pendant cinq ans, la jeune femme remplaçait un homme.
« Chez Meteor aussi », ajoute Anne Perra. 

Elle estime que c’est avant tout la « passion du produit » qui permet de surmonter les clichés : « Je me suis servie de ça pour montrer qu’en tant que femme, il n’y avait pas de différences. La bière est un produit noble, j’aime en maîtriser le process. Une fois que les équipes le comprennent, on peut travailler », pose-t-elle. Certains clichés ont malgré tout la vie dure : les bières fruitées ou blanches encore systématiquement associées aux femmes. « On ne peut pas différencier une bière créée par une femme ou un homme. Nous recherchons les mêmes critères : équilibre, finesse, corps. »  

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