Le festival tombe bien. Après deux ans de perturbations liées à la pandémie, on a vraiment l’impression que l’attente est énorme !
Il tombe extrêmement bien. Je crois que les gens ont à la fois envie et besoin de se retrouver, de faire la fête, de rire, de déambuler, de voir des choses légères. On vient de passer les présidentielles qui créent toujours de la tension, il y a la guerre en Ukraine et je crois que le spectacle vivant dans toutes ses formes est ce qui fait la différence entre les humains et le reste ; on est capable de créer du beau, de la poésie, de l’artistique, du drôle et du comique, du dramatique, des choses qui suscitent de l’émotion et qui font que les gens partagent.
C’est d’autant plus essentiel que pendant la pandémie, le spectacle vivant a été en danger ?
En danger, oui. En tout cas il a été questionné, quand on nous a dit que l’on n’était pas forcément essentiel. Les pouvoirs publics ont soutenu et aidé, mais en France nous sommes attachés aux mots, à la littérature qui fait le charme de notre langue. C’est toute sa richesse. Alors, essentiel ou non essentiel, cela signifie quelque chose. Tout cela a crispé et désespéré le monde de la culture en général et celui du spectacle vivant en particulier. En même temps, cela a donné lieu à des expérimentations, à des changements de paradigme qui ont fait que, sans réellement réinventer notre métier, on a trouvé des alternatives, des solutions, des façons de faire différemment. Au Relais culturel de Haguenau, on a maintenu le lien en permanence, et, lorsque l’on a rouvert, ce qui m’a touché le plus c’est d’entendre dire « vous nous avez manqué ». On se dit waouh, on est capable d’être à cet endroit-là, malgré Netflix et compagnie !
Et sur un territoire comme celui de Haguenau où la culture a évidemment encore et toujours toute sa place…
Oui, il faut le souligner, la culture a toujours été soutenue ici. Le maire et le président du Relais culturel ont été extrêmement présents. Nous sommes l’une des seules villes à avoir, malgré tout, soutenu les artistes et payé une partie des cachets. Certains étaient dans des situations catastrophiques. J’ai entendu des artistes pleurer au téléphone. À Haguenau, l’action publique a été exemplaire. C’est un vrai positionnement politique.
Et vous avez maintenu l’Humour des notes dans des versions réduites !
Oui. Après le premier confinement, on a fait un week-end pour dire « on n’est pas mort », ensuite on a fait six jours pour dire « on n’est toujours pas mort, on va continuer » et voilà. On a continué à proposer des choses, dans les rues, dans les cours d’école, dans des endroits que l’on n’aurait jamais investis autrement, mais c’était nécessaire, car le public a été présent, il avait envie de partager tout ça avec nous.
Cela nous amène sur cette 30e édition, elle sera exceptionnelle : 250 artistes, 80 compagnies, 350 rendez-vous… Comment avez-vous construit la programmation ?
Nous avons déjà accueilli une partie des artistes, ce sont de vrais coups de cœur et nous verrons leurs nouvelles créations. D’autres qui n’ont pas pu venir et que l’on a reprogrammés avec des nouveautés que j’ai eu l’occasion de voir. Très vite, l’idée a été de trouver une programmation de très bonne qualité et éclectique, d’offrir un éventail de propositions, pas uniquement de l’humour musical, mais aussi du cirque, de la danse contemporaine, et bien sûr des spectacles pour les enfants parce que là aussi pour moi c’est essentiel ; on plante des petites graines pour plus tard, et c’est extrêmement important. Les propositions seront drôles, généreuses, émouvantes, elles rassembleront les gens. Cette 30e édition, portée par les citoyens, raconte la ville de Haguenau.
Justement, vous avez proposé au directeur de l’école de musique de mettre en place une grande parade avec un maximum d’élèves de Haguenau et du territoire !
C’est aussi un public qui a souffert de la pandémie parce qu’on ne pouvait plus les accueillir en école de musique pendant très longtemps. Il fallait qu’on leur donne une place importante pour montrer ce qu’ils sont capables de faire. On a engagé en résidence une fanfare qui a l’habitude de monter de gros projets, et l’on a embarqué plus de 150 gamins pour démarrer le festival le 21 mai.
Un mot sur le plus grand spectacle de la programmation, Cristal Palace qui transformera la place publique en une immense salle de bal.
C’est un spectacle qui a été créé aux États-Unis pour le plus grand festival de théâtre, un truc XXL qui monte à 30 m de haut avec des artistes qui descendent de partout, une Flashmob géante que l’on peut apprendre via une application, des DJ’s, et tout le monde danse. J’avais envie que tout le monde fasse la fête. Je pense que c’est important. On crée du collectif, on crée toujours une identité joyeuse.
Et avec les citoyens ?
Oui. L’artistique, les spectacles, c’est important. Accueillir des spectacles de qualité c’est important. Mais, à un moment donné, ce qui est presque plus important, c’est comment on met du vivant, du liant, de la chair dans tout ça. Donc, nous avons proposé à des écoles de participer à la construction de la scénographie du festival. On a organisé une journée spéciale en forêt et travaillé avec l’ONF pour sensibiliser les gens aux problématiques climatiques. On est engagés, le festival est écoresponsable. En même temps, on développe des actions avec les centres socioculturels, on propose du yoga du rire, du design culinaire, on a mis en place un troisième chapiteau dédié aux pratiques amateurs, il y aura aussi des stages de cirque ou de musique. On espère du beau temps, de la joie, des sourires. On a envie de prendre de bonnes ondes pendant 9 jours. Par les temps qui courent, c’est important.