Steve Maire : Tu as commencé l’aventure des réseaux en 2016 ?
Cyril Schreiner : Oui, avec Snapchat. Je suis quelqu’un d’hyper timide, et l’avantage avec Snapchat, c’est que les vidéos sont supprimées après 24 heures. J’avais une poupée, Margareth, et je faisais plein de trucs avec elle, je la mettais dans le mixeur par exemple, et puis j’ai fait des vidéos en parlant de Lidl (avec l’accent…). C’est monté très vite, j’étais dans les trois plus suivis de France sur Snapchat. J’ai enchaîné avec Facebook, Instagram, et TikTok.
SM : 6,5 millions de personnes te suivent sur TikTok, c’est fou…
CS : Et tout ça est allé super vite. J’ai commencé à filmer des billes d’eau dans ma baignoire, ça a fait le tour du monde, ma boîte mail a explosé. J’ai eu des demandes d’interview du monde entier, de Chine, d’Inde, de Russie, c’était vraiment un truc de fou. On avait une centaine de courriels par jour pour des demandes de partenariats. Mon agence n’arrivait même plus à suivre. À la base, je fais beaucoup d’expériences. J’avais mis toutes les billes dans ma baignoire, et ma voisine, qui m’aide à filmer, me dis comme ça juste pour rire, « On va dire que les billes ont bouché tes toilettes ». J’ai répondu que jamais de la vie les gens ne croiront un truc pareil, c’est impossible. Mais nous avons fait le test. J’ai bouché mes toilettes et j’ai ajouté les billes d’eau. Et ça a tellement marché, que j’ai continué, et j’en ai même fait une série.
SM : Tu as fait quoi avant ?
CS : Un bac pro gestion administration. J’ai eu mon bac, et j’ai commencé à faire des vidéos. Au début, je n’avais pas imaginé que l’on pouvait vivre de ça. Je voulais quand même finir mes études, si jamais. J’aurais pu arrêter, mais je voulais avoir mon BTS de gestion commerciale avant de m’installer à Paris et de signer avec un manager.
SM : Tu lui as fait confiance ?
CS : Je viens d’un petit village, je n’y connaissais rien. Je me suis fait complètement arnaquer. On me disait qu’une marque me proposait 500 euros, ce qui pour moi était déjà beaucoup, et en fait, mon manager négociait 4 ou 5 000. J’ai été arnaqué de plus de 40 000 euros, mais cela m’a fait grandir.
SM : Tu as rencontré beaucoup de monde, tu as été impressionné par quelqu’un ?
CS : En fait, ce sont surtout les jeunes qui m’impressionnent, ceux qui créent leur autoentreprise, c’est tellement dur. Mais c’est vrai que j’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de stars, d’autres influenceurs, ou Sylvester Stallone dans un dîner au Festival de Cannes. À cette époque, j’avais vraiment une double vie, j’étais encore au lycée. Un jour, on m’invitait dans des endroits de fou et le lendemain je me levais à 6 heures pour aller en cours, même à 5 heures pour travailler en alternance. Et puis, le soir, je faisais mes vidéos jusqu’à minuit pour les poster le lendemain. Je me donnais à fond, car je savais que j’allais en faire mon métier.
SM : Comment vis-tu les commentaires négatifs sur internet ?
CS : Je vis de cela, et c’est vrai qu’il y en a beaucoup, mais je m’en fous, en fait. Je n’ai pas le choix. En général, ceux qui font ça sont des gens tristes, ils critiquent chacun de mes faits et gestes, c’est relou. À l’époque où je vivais encore chez ma mère en Alsace, des gens étaient entrés et avaient cassé tous ses pots de fleurs. Certains sonnaient à une heure du mat’, d’autres m’insultaient. Maintenant, comme je multiplie les partenariats avec des marques, je suis plus respecté. J’ai même eu des messages de gens qui étaient avec moi en BTS à Wissembourg et qui étaient désolés de m’avoir critiqué gratuitement.
SM : Et il y a eu le moment où tu as annoncé que tu étais en couple avec ton copain !
CS : Oui. Je peux te dire qu’à ce moment-là, plus de 100 000 personnes se sont désabonnées de mon compte. Mais je m’en fous.
SM : Tu n’arrêtes jamais de travailler ?
CS : Je passe 10 à 12 heures par jour sur mon téléphone, je regarde beaucoup les réseaux, pour trouver des idées. Tu ne sais jamais ce qui va marcher. Parfois, je travaille deux jours sur une vidéo qui va faire 50 000 vues et le lendemain, je vais faire un truc en deux minutes et elle va faire des millions de vues.
SM : Tu as toujours des ambitions dans le cinéma ?
CS : J’ai pris des cours de théâtre, ça m’a plu, mais j’ai capté que ce n’était pas pour moi. Les profs m’ont dit que j’avais l’accent alsacien et que je ne pourrais jouer que des soldats allemands…
SM : Tu es vraiment un personnage !
CS : Oui, mais je suis beaucoup plus calme dans la vraie vie que dans mes vidéos, sinon, même moi je ne me supporterais pas.
Propos recueillis par Steve Maire