Steve Maire : À l’époque, quand je regardais tes vidéos, j’avais 12 ou 13 ans, maintenant je te reçois au coin du feu avec une bonne bouteille de vin, c’est ça la vie ! Pour moi, tu es le premier, celui qui a lancé les délires sur le web. Je me souviens de la parodie Rambo vom Elsass.
Kansas of Elsass : J’ai beaucoup de choses à raconter là-dessus, c’est un vrai révélateur. Toute la frustration accumulée depuis des décennies, le fait d’être alsacien, d’avoir l’accent, cette timidité, le passé, tout ce que l’on est et qui n’est pas assumé, tout ça a volé en éclats avec cette vidéo. Mais ce n’est pas le premier truc que j’ai fait, c’est longtemps après. J’ai fait Rambo en 1995, mais l’histoire de Kansas a démarré dans les années 80.
SM : Et tu as joué un rôle important dans la région !
KofA : On pense toujours que l’alsaco, l’alsacien, c’était un truc culturel, mais en fait ça ne l’est pas. C’est populaire. Alors que les mecs pensaient que c’était de la culture au sens noble du terme, c’est pas vrai ! Ce que l’on est, c’est populaire, c’est les bistrots, la campagne, et c’est pour ça qu’il y a eu un avant et un après, là ils se sont dit c’est rigolo, c’est branché, ça fait rire tout le monde. Avant c’était encore Germain Muller ou Roger Siffer, pour qui j’ai beaucoup de respect néanmoins.
SM : Si tu avais un conseil à donner aux jeunes d’aujourd’hui, qui se lancent sur le net pour faire de l’humour, ça serait quoi ?
KofA : Quand j’ai fait mon premier disque avec mon groupe de rock, il fallait un studio, il fallait aller à Paris. Quand on a sorti le premier 45 tours, on a eu une critique dans Rock and folk, parce qu’il y avait tellement peu de gens. Aujourd’hui, la chance c’est que tout le monde a un vecteur, tout le monde a un téléphone. Le problème, c’est le talent et les idées, ça, malheureusement, c’est pas des trucs que tu apprends. Soit tu as les choses en toi, soit tu ne les as pas, et si tu n’as rien en toi, ce n’est même pas la peine d’espérer faire quoi que ce soit.
SM : Tu penses que le rock‘n’roll est mort ?
KofA : Je ne sais pas. Le rock’n’roll, c’est une attitude, c’est de voir les choses en face, fuck les fake news et le populisme. En fait, non, je pense qu’il n’est pas mort.
SM : Tu te souviens de ton enfance ?
KofA : J’habitais à Cronenbourg. Toutes les semaines, il y avait un vannier qui descendait dans la rue et qui terrorisait tous les gamins du quartier. Il avait une carriole, il récupérait la ferraille, le papier alu… C’est un truc qui m’est resté, parce qu’il avait une voix d’outre-tombe, j’avais l’impression que c’était l’âge de pierre ou le Moyen Âge qui débarquait, j’en ai fait une chanson d’ailleurs.
SM : Moi, je n’ai pas oublié le titre Johnny Star !
KofA : Johnny Star, c’est Sébastien Loeb (rires). Je plaisante. Sébastien Loeb a plus de talent. En fait, Johnny Star, c’est un type que tu vois dans le quartier, on le connaît tous, un type avec une bagnole. À l’époque pour nous, la voiture, c’était quand même LE truc. J’avais la Kansas car, c’était un truc incroyable, j’ai adoré. Une R21. Je me souviens d’un patron qui avait peur pour l’image de la marque. L’idiot, l’idiot de base, pour lui il ne fallait pas oser être comme on était, montrer les choses comme elles sont… La bêtise est là, tu vois.
SM : Kansas, évidemment, ça sonne américain. Tu n’as jamais eu envie d’aller aux États-Unis ?
KofA : Figure-toi que, si j’ai un regret, c’est ça. Je n’ai pas eu les couilles d’y aller… Jusqu’au bout, tu vois… J’ai importé avec moi le scénario de Kansas Ze movie, écrit en 2007. On devait faire le tour des States, car là-bas il y a plein de bleds qui ont des noms alsaciens, finalement ça ne s’est pas fait, France 3 a renoncé. J’aurais dû le faire avec un pote et dire « allez on y va » et je suis certain qu’on aurait fait un carton. Je faisais le malin, mais ça, je n’ai pas compris que c’était le truc à faire.
SM : Le feu est en train de s’éteindre, c’est le moment de se séparer. Tu enlèves tes lunettes ?
KofA : Je peux les enlever (et il le fait au moment où Steve quitte le plateau). Je souhaite à tous ceux qui ont suivi l’émission de prendre un peu de connaissances, de news comment on dit en anglais, supporter la bonne attitude, et à tous, je dis bye et je rappelle que ça veut dire ciao en anglais.