Ce livre est une partition sur laquelle Benzine vient apposer aux mots les silences d’une vie. S’ils semblent effrayants, ils restent indispensables à rendre audible l’inaudible. Faire place au silence, c’est tenter de lui donner une valeur signifiante, lui permettant alors de devenir une autre musique. Ces silences terrifiants, mystérieux, voire incompréhensibles, ont amené un jour le narrateur, un brillant concertiste à ne plus jamais revoir ce père immigré, tant cette voix silencieuse était devenue une torture trop lourde à porter. Lorsque le père meurt, le silence se fait alors complet. Revenu à Trappes, le fils doit affronter tout ce qu’il avait fui. En triant les affaires, il trouve une enveloppe contenant des enregistrements audio de son père effectués durant de nombreuses années. Celui qui s’était tu, se révèle au moment le plus inattendu qui soit, permettant de donner voix aux silences de sa vie, offerts à son fils pour comprendre leur narration commune, l’immigré qu’il était, son exil et son histoire, mêlée d’ombre et de lumière, des grandes joies aux drames inconsolables de son existence.
Un roman bouleversant dans ce dialogue à deux voix qui s’écrit à contretemps.
De cette narration que le fils va parcourir vont surgir des rencontres fondatrices, afin de découvrir le père dans ce qu’il était véritablement et intimement. Ce père qui par pudeur s’était tu, pensant préserver ceux qu’il aimait, préférant laisser Keith Jarrett et son concert à Cologne envahir l’espace de leur territoire commun, comme une façon de signifier que lorsque tout semble perdu, le merveilleux et l’espoir peuvent l’emporter. Un père déraciné dont la seule obsession aura été de croire en ses enfants, dans un amour silencieux, mais indéfectible, pour qu’ils deviennent les héros de leur vie.Un récit vibrant d’humanité qui interpelle par la force du sujet traité, mais également par la réflexion socioculturelle qui en découle. Ce livre est d’une rare et sublime beauté, un hymne à nos pères, à leurs silences et à ce qu’ils viennent nous conter dans la solitude de leurs nuits.
Isa sur Insta : lodyssee_des_mots