C’est un gabarit. Grand, lourd, des regards parfois moqueurs. Une tentative au foot, au rugby… Et puis un jour, la révélation. « J’ai regardé des amis en faire, et puis j’ai essayé », raconte Maël derrière ses lunettes, après une intense séance au club de judo de Hoerdt, où il a posé son kimono depuis deux ans et demi. « Dès la première fois, je me suis dit que c’était mon sport. Pourquoi ? J’ai ressenti une forme de bonheur. J’aime le contact, et ensuite je me suis vite fait des amis par les combats. »
« Il est devenu accroc »
Forcément, dans le judo, on va combattre par catégorie de poids. Ce qui manquait et freinait la progression de Maël à Haguenau, où vit la famille. Christian, le papa, se souvient : « On le mettait avec les autres enfants, mais avec la différence de gabarit, ça ne sert même pas d’apprendre la technique. À Hoerdt, ils l’ont tout de suite intégré à un groupe avec des jeunes adultes, et il a vite progressé. Il est devenu accroc ! » Entre deux cacahuètes, Christian remarque aussi que son fiston n’est jamais effleuré par le stress. « Il est champion UNSS, champion d’Alsace et du Grand Est… À chaque fois, il arrive tranquille, mais quand il monte sur le tatami, il est dans sa bulle, il est concentré. »
Sur cette fin d’entraînement à laquelle on assiste, on voit un Maël, ceinture bleue, grimacer face à Raphaël, ceinture noire, qui est un peu son « mentor » dans le groupe. Raph’ vient de passer la vingtaine, il a le même gabarit, et il a noté l’évolution de son petit protégé. « À force d’entraînement, il gagne en muscles, en force. Avant, pour faire une prise, il posait juste sa main… Là, quand il m’attrape derrière la nuque, je peux te dire que je le sens ! »
Maël est de son côté ravi de cette collaboration : « C’est grâce à lui que j’en suis là. C’est un bon coach, il me comprend. »
Marcher sur les traces de DouilleT et Riner
L’entraîneur principal, Romain Gretz rembobine l’histoire. « Avant son premier entraînement chez nous, on m’avait dit « attention, c’est un sacré gabarit ». En effet. Mais il y avait beaucoup à faire au niveau judo. En deux ans, il a grandi, il a un peu minci, il est plus fort. Aujourd’hui dans l’est, il n’y a pas trop de concurrence pour lui. Si on s’en tient au physique, on est sur les bases d’un David Douillet ou d’un Teddy Riner. »
La bombe est lâchée. Parce qu’il faut oser le parallèle avec les deux plus grands champions que la Terre ait portée ! « J’essaye de travailler un éventail très large, pour qu’il puisse tout exploiter. Pour les lourds, c’est plus dur de maîtriser leur corps, leur espace. On travaille le déplacement, la garde, le kumikata… Maintenant, il sait attaquer sur différentes directions. On pourrait exploiter à fond son point fort, mais à un moment, face aux meilleurs, ça ne suffira pas. »
Parce que l’ambition de tous ceux désormais regroupés autour de la petite table où traînent quelques bières et des Curly ®, c’est bien d’emmener Maël très haut. Première étape : intégrer le Pôle Espoir. Maël a passé les tests lundi dernier, et il attend la réponse, mais l’issue fait peu de doutes. Pour la suite, Romain Gretz a déjà planché sur le parcours idéal : « Il faudra viser un podium national en junior pour intégrer le plus rapidement possible l’INSEP. En senior, il sera en première division, c’est sûr. »
« Et puis, il a un objectif secret », nous glisse le papa. En poussant un peu le jeune homme, on devine que son rêve ultime, c’est d’être le porte-drapeau de la délégation française aux Jeux olympiques. L’équipe de France – et les JO – ce serait déjà pas mal. « Je me fixe les objectifs des plus grands, je veux être un champion. »
Le tout sur un ton sans aucune forfanterie. Juste les paroles d’un gamin qui, contrairement à beaucoup d’autres, a une chance de vivre son rêve.