mardi 3 décembre 2024
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Michel Robiquet – Un gendarme au service du polar

Il se dit alsacien de cœur à plus de 200%, lui qui est né en 1954 à Mont-Saint-Aignan et qui a grandi à Bourges. C’est d’ailleurs depuis le département du Cher, chez sa mère âgée de 98 ans, qu’il raconte sa carrière dans la gendarmerie aux quatre coins de la France, ainsi que son envie d’écrire. Le général Michel Robiquet a dirigé la gendarmerie d’Alsace à Strasbourg de 2008 à 2011 avant de faire d’Altenstadt son fief, et de la forêt de Wissembourg le cadre de son premier roman policier Et je n’étais pas toi (Éditions du Bastberg).

Enfant, on vous imagine jouer au gendarme et au voleur, mais quel est votre parcours ?

Comme tous les garçons, oui (rires)! Des souvenirs, j’en ai des tonnes, mais je sais que depuis ma plus tendre enfance, je voulais être gendarme, et en fin de compte j’ai réalisé mon rêve d’enfant. J’ai fait ma scolarité à Bourges, puis des études de droit à Tours, que j’ai terminées à Paris. J’étais guitariste et organiste dans un orchestre amateur et on faisait les bals de la Sainte-Geneviève—la patronne des gendarmes. L’adjudant de Bourges m’a alors conseillé le service militaire dans la gendarmerie. Ainsi le 1er octobre 1977, j’ai fait mes classes à Bergerac puis huit mois au peloton autoroutier de Chambré-les-Tours.

C’est le début d’une série d’affectations à travers la France ?

En tant qu’élève sous-officier, j’ai fait ma scolarité à Melun, et je suis devenu gendarme à l’escadron de gendarmerie mobile à Maisons-Alfort en 1979. J’ai fait des déplacements à Paris, en province, en outremer aussi, c’était plutôt sympa. Un jeune gendarme opte soit pour les escadrons mobiles soit pour les brigades, comme dans le livre. Puis je suis affecté à Châteauroux, à Joué-lès-Tours, à Ajaccio. Plus tard, je candidate au concours à l’École de guerre, une école interarmées qui forme les cadres supérieurs, presque une année universitaire, comme une coupure dans ma carrière. Je suis affecté en 1995 à l’École militaire de Paris, puis à la direction générale de la gendarmerie nationale, avant de partir pour le groupement de la Meurthe-et-Moselle à Nancy. Je suis alors à la tête de 650 personnes, et mon général me dit « n’oubliez pas que vous partez avec un élastique». Il avait raison, en 2002, je suis nommé colonel et réaffecté à Paris !

Et enfin, vous découvrez l’Alsace en 2008 ?

Je la connaissais comme visiteur, et ce qui a penché dans la balance, c’est que je parle allemand—je l’ai appris à l’école. Pendant trois ans, j’ai commandé la gendarmerie d’Alsace, un poste avec des gens extraordinaires, 2000 personnels et tous les attributs, RH, logistique, financier, opérationnel. J’ai été nommé général le 1er mars 2010, et je pensais y terminer ma carrière. Mais non, j’ai été réaffecté à Melun à l’école des officiers… Puis il a fallu nous trouver un toit avec mon épouse, une pure Lorraine, et on est arrivés à Betschdorf. J’ai quitté le service actif en 2013, mais on peut encore m’appeler pour un jury de concours ou une mission.

Comment s’organise une vie de famille quand on change de poste aussi souvent ?

J’ai eu trois enfants, tant qu’ils sont petits, les déménagements ne posent pas de problème, jusqu’à l’adolescence. Il faut se refaire des copains, changer d’école, ils me l’ont beaucoup dit… Les deux premiers ont choisi de passer  les concours pour les lycées militaires, ça leur assurait une certaine stabilité. Mais ils ne sont pas militaires du tout aujourd’hui. Moi, au bout de quatorze déplacements dans ma carrière, je n’étais pas à un près, alors en 2022 on s’est installés à Altenstadt avec mon épouse !

À propos de votre épouse, Véronique, une peinture d’elle figure en deuxième de couverture. Elle s’est associée à l’écriture ?

Tout d’abord elle a du talent, mais je ne suis pas très objectif, donc je lui ai dit que je serais content d’avoir un tableau pour la couverture. De même la photo prise depuis notre terrasse de Betschdorf à la fin, elle aime bien les ciels d’Alsace en été. Lorsque j’ai proposé ces couvertures aux Éditions du Bastberg, Philippe Krauth a préféré leurs propres logos de polars alsaciens, et il m’a proposé l’intérieur des couvertures.

« Ce que j’ai raconté là est une pure fiction, j’ai connu d’autres événements parfois pires… »

Mais comment passe-t-on de général à écrivain ?

En fait, j’ai écrit un livre autobiographique auto-édité parce que je voulais laisser une trace de mon petit passage sur terre à ma famille. Mon papa n’a rien laissé et Dieu sait s’il a vécu des choses avant et après-guerre ! Pour qu’on sache quel genre d’homme j’étais, avec mes forces et mes faiblesses. J’étais très content, mais au bout de quelques semaines, il me manquait quelque chose. Mon épouse a dit, c’est l’écriture ! Alors je me suis lancé dans ce polar il y a deux ans. D’ailleurs, il y aura une suite indépendante, avec la même héroïne qui a pris du galon.

Vous avez choisi une femme pour personnage principal, pourquoi ?

Bonne question, les femmes dans la gendarmerie, cela date d’il y a quarante ans, pour une institution du 12e siècle, c’est récent ! J’ai toujours pensé qu’elles avaient un feeling, une intuition, un ressenti particulier. Elles font aussi bien leur boulot que les mecs, c’est sûr, mais au départ il a fallu qu’elles se fassent une place au soleil dans un milieu machiste. Pour leur rendre hommage, j’ai voulu que le héros soit une héroïne.

Est-ce que Julia est un peu votre voix ? Elle parle notamment de « Servir avec un grand S ».

Cette idée de servir, non pas mon pays, mais me mettre à la disposition des gens, pour la sécurité des personnes et des biens, c’est faire un boulot de flic quoi, avec un statut militaire. Aujourd’hui servir, ça se délite beaucoup, vu comment évolue notre société… En tant qu’officier, j’ai participé à des enquêtes, sans interférer dans les prérogatives de mes subordonnés, ceux qui ont les mains dans le cambouis. J’étais là pour le côté opérationnel et j’ai vécu des choses terribles. Ce que j’ai raconté là est une pure fiction, j’ai connu d’autres événements parfois pires…

Annoncer de mauvaises nouvelles fait partie du boulot, on sent que vous l’avez fait…

Oui ça m’est arrivé, et je crois qu’il n’y a rien de pire que cela. J’ai souvent dit que je préfère aller voir des gens à la morgue qu’aller annoncer à une femme la mort de son mari ou son fils. Comment trouver les mots en pareille circonstance, on n’apprend pas ça à l’école ! De même, annoncer la mort de collègues, pff, on y va comme on peut, et ça remue d’autant plus qu’on se projette.

Une enquête dans la région de
Wissembourg. / ©Dr
D’où vient la règle des 4S pour écrire un polar que vous citez en épilogue ?

Sang, suspens, sexe et sentiments, ça vient de moi ! Peut-être un peu de mes lectures, mais surtout d’un ami général qui m’a dit de mettre des scènes chaudes dans la limite du raisonnable (rires). C’est aussi un clin d’œil : 4S, c’est le nom d’une tenue d’intervention de la gendarmerie mobile.

Pour le S de sentimental, on peut aussi parler du chien de Julia qui tient un rôle important. Avez-vous un chien ?

La couverture du bouquin, c’est un épagneul breton, comme mon chien, Moupy. Il est mort il y a trois ans, et il me manque toujours autant ! Seuls les gens qui ont des animaux peuvent comprendre le lien avec le maître… C’était mon chien, mon quatrième fils, c’est con de dire ça ! Quand j’habitais Strasbourg, j’étais célibataire géographique, alors je l’emmenais au bureau, un peu comme les Anglais (rires). Il avait ses habitudes, il allait voir les filles du RH, puis montait au 2e, et les gens savaient alors que le général arrivait.

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