jeudi 26 décembre 2024
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L’eau sous surveillance en Alsace

Parler de l’eau, en général, c’est un puits sans fond. Car tout nous ramène à l’eau : notre quotidien, nos loisirs, notre alimentation, et même notre industrie. Sa qualité est primordiale pour notre santé et notre avenir. L’Alsace, terre agricole, est un laboratoire à ciel ouvert, quand dans ses entrailles, l’une des plus grandes nappes d’Europe reste méconnue et trop peu protégée.

Enjeu majeur de santé publique, mais aussi d’économie, l’eau n’a jamais été aussi convoitée que dans un monde marqué par le changement climatique. Trop chaude, trop polluée, l’eau ne serait plus à même de garantir sa première fonction : favoriser et entretenir la vie.

Plongeons d’abord dans nos cours d’eau. Qui mieux qu’un poisson pour dire si ça va bien ?
La Fédération du Bas-Rhin pour la pêche et la protection du milieu aquatique a lancé une étude sur la température, en prenant à témoin la truite fario et le chevesne. Fabien Repenne est responsable technique : « On a lancé ce travail en 2020. On suit trente cours d’eau, où l’on enregistre la température. » Et si le mercure monte trop haut, des situations dites « létales » sont définies : on estime que la truite fario est en danger de mort à partir d’une eau à 24° et le chevesne à 29°. Au mois d’août, alors que « des cours d’eau s’asséchaient » selon Fabien Rapenne – qui rappelle que « les pêcheurs sont les premières sentinelles » – la truite fario a connu une hécatombe dans le Seltzbach à Preuschdorf et dans la Kirneck à Valff, tandis qu’elle entrait en résistance dans un certain nombre d’autres cours d’eau du Bas-Rhin.

9,5km de long seulement, le Netzenbach, qui coule jusqu’à la Bruche à Wisches, est aussi placé sous surveillance . / ©Fédération de pêche du Bas-Rhin
Plaine d’Alsace, Vosges, pas le même combat

La situation est d’autant plus compliquée « dans les cours d’eau urbanisés de la Plaine d’Alsace, qui ne sont plus trop préservés d’un point de vue écologique ». Bonne nouvelle tout de même : « Dans le piémont vosgien, on a un beau peuplement piscicole ». Signe d’une eau qui va bien.
Et si l’on plonge plus profondément encore ? Dans une région où il est autorisé de pomper directement dans la nappe d’Alsace, où l’agriculture est reine, et où l’industrie héberge quelques sites potentiellement dangereux pour la biodiversité, des associations et organismes analysent et alertent. C’est le cas de l’APRONA, l’observatoire de la nappe d’Alsace. Dans un document rendu et analysé en 2018 (l’étude suivante est en cours, et les résultats seront connus dans quelques semaines), son président Frédéric Pfliegersdoerffer soulignait que « sans surprise, les résultats révèlent la présence d’une grande diversité de molécules d’origine anthropique dans les couches superficielles de la nappe. La contamination principale est toujours liée aux nitrates et aux pesticides, en particulier des herbicides utilisés ou anciennement utilisés pour la culture du maïs et de la
betterave ».

Uranium naturel, mais nitrates agricoles

Si l’uranium est présent naturellement dans le sol et dans l’eau, les nitrates « restent le paramètre de qualité le plus déclassant de la nappe du Fossé rhénan supérieur. Il n’est pas observé d’évolution notable à l’échelle transfrontalière, hormis dans le Bade-Wurtemberg où la situation tend vers une légère amélioration. L’origine de cette pollution demeure principalement agricole ».

Dans ce document accessible à tous, on relève qu’en 2016, concernant les pesticides,
« la norme européenne de qualité pour l’eau potable de 50 mg/L est dépassée sur près de 17 % des points de mesure et le seuil d’alerte de 40 mg/L est atteint sur plus de 22 % des points de mesure ». Et quand on sait que la nappe se déplace très, très lentement, il y a peu de raison que ces valeurs aient beaucoup varié depuis.

Du côté de l’APRONA, l’un de nos interlocuteurs soulignait qu’une « dépollution de la nappe, c’est quelque chose de très compliqué ». Si on se focalise souvent sur la quantité, le vrai problème reste celui de la qualité. « Toute altération de cette ressource se paiera au prix fort. » Comme pour le reste, on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.

Sébastien Ruffet

L’info en plus 

L’Agence Régionale de Santé réalise 35 000 prélèvements chaque année pour analyser votre eau du robinet une fois par an, et la présence de bactéries, nitrates et autres pesticides y est précisée. Contactée, l’ARS nous précise qu’« il y a trente ans les problèmes principaux étaient encore liés à des non-conformités microbiologiques, ces problèmes sont désormais maîtrisés. Il y a vingt ans les problèmes principaux étaient liés à la présence de nitrates, ces problèmes sectoriels sont encore présents, mais de mieux en mieux maîtrisés. Depuis plus d’une dizaine d’années, les progrès en matière d’analyse de l’eau ont mis en évidence des pollutions par des produits pesticides. Des molécules anciennes comme l’atrazine sont en voie de résorption, mais l’ARS reste vigilante quant à la recherche de molécules de substitution ».

Les chiffres 

80 à 85% de l’eau potable consommée en Alsace vient directement de la nappe phréatique.

35 milliards de mètres cubes d’eau : c’est le volume de la nappe en Alsace, mais sur sa globalité, de Bâle à Karlsruhe, elle représente 65 à 80 milliards de m3.

400 mètres : sa profondeur maximale dans la fosse de Heidelberg.

1 mètre / jour : la vitesse de déplacement de la nappe.

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