lundi 9 juin 2025
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Alsace – Anne-Sophie Brasme, ce qu’elle est devenue

Pour elle, l’écriture n’est pas un moyen de s’évader, mais plutôt de mettre des mots sur ce qui n’est pas dit, sur ses expériences. Anne-Sophie Brasme a connu le succès dès ses 17 ans avec un premier roman vendu à plus de 40 000 exemplaires. Son dernier, Ce qu’on devient, a été publié en 2024 aux éditions Flammarion. Professeure de lettres modernes dans un lycée colmarien, les mots, c’est toute sa vie. Maxi Flash l’a rencontrée, entre deux cours.

Vous êtes enseignante de lettres modernes et écrivaine. Depuis quand avez-vous cet intérêt pour les mots ?

Depuis toujours. J’ai commencé à écrire de petites histoires quand j’avais 6 ans, des contes, des poésies. Donc j’ai toujours aimé lire et écrire. Quand je suis arrivée à la faculté, je me suis naturellement dirigée vers des études de lettres. Je ne savais pas très bien ce que je voulais faire, mais c’était une évidence que j’avais envie de transmettre cet amour-là aux jeunes. C’est pour ça que je suis devenue enseignante.

Que représente la littérature pour vous ?

Je n’en avais pas conscience plus jeune, mais maintenant je le comprends : la littérature permet de mettre des mots sur des choses, des expériences qui sont tues, invisibles. De les lire ou de les écrire, ça m’aide à avancer dans la vie et à comprendre qui je suis. C’est bien plus qu’un exutoire. Ça m’aide à comprendre, à analyser. Et ça sauve. La littérature m’a sauvée. Mon premier livre, Respire, parle d’une amitié toxique entre deux adolescentes. C’est une expérience que j’ai vécue au collège. D’avoir écrit cette histoire, ça m’a libérée. J’ai compris grâce aux retours des lecteurs et lectrices que je n’étais pas seule, que je n’étais pas folle et que ce genre de relations est fréquent. Écrire, c’est une expérience essentielle et parfois douloureuse.

Vous avez évoqué votre premier roman, Respire, un succès fulgurant dès votre adolescence. Quel est votre secret ?

Il a été publié quand j’étais en terminale oui. Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il le soit, encore moins à ce qu’il connaisse le succès. Néanmoins, j’ai essayé de garder la tête froide, de garder à l’esprit que c’est difficile de vivre de cette activité. Donc ça ne m’a pas empêché de faire des études, d’assurer mes arrières. D’ailleurs j’ai bien fait, parce qu’aujourd’hui, je ne pourrais pas vivre de l’écriture. L’histoire de Respire m’est venue après une amitié très difficile. J’ai eu le déclic après avoir lu L’étranger, de Camus. Il raconte l’histoire d’un meurtrier à la première personne et ça m’a donné envie moi aussi de me mettre dans la tête d’une meurtrière, d’écrire et d’imaginer ce qu’elle avait vécu. Je l’ai écrit en quelques mois, et j’espérais être publiée, mais à 15-16 ans on ne se fait pas trop d’illusions. Je l’ai fait lire à ma famille, à mes amis, à mes professeurs. Les avis étaient positifs, j’étais contente. Puis j’ai eu envie d’avoir un avis « d’expert », et j’ai rencontré Élise Fischer, une autrice originaire de Lorraine – comme moi – au Salon du livre de Metz. Je lui ai donné mon manuscrit et je lui ai demandé si elle pouvait le lire et me donner son avis. Elle a adoré et l’a transmis à son éditeur. C’est comme ça que tout s’est fait. Mais pour vous répondre, non, je n’ai pas de secret. Si j’en avais un, les autres livres auraient connu le même succès (rires).

« C’est bien plus qu’un exutoire. Ça m’aide à comprendre, à analyser. Et ça sauve. La littérature m’a sauvé. »

Respire a été adapté au cinéma. Pourquoi avoir accepté de le transposer sur grand écran, avec le risque d’une mauvaise adaptation ?

Ça ne se refuse pas ! C’est un rêve pour un auteur d’être adapté au cinéma. Il faut y aller pour dire non. Et puis cette histoire, je l’avais déjà imaginée comme un film dans ma tête. Et j’ai tout de suite su que Mélanie Laurent, la réalisatrice, voulait en faire une réinterprétation. J’ai lu le scénario et je lui ai fait confiance. Quand j’ai vu le film pour la première fois, bien sûr que c’était éloigné de ce que j’ai écrit. Mais elle a vraiment réussi à restituer les émotions, l’atmosphère, et ça m’a bouleversée.

Votre dernier roman, Ce qu’on devient, a été publié en 2024. A-t-il une symbolique particulière à vos yeux ?

Je pense qu’avec ce texte, j’ai franchi une étape. J’avais besoin de faire le bilan de toutes ces années d’autrices, de la façon dont je me suis construite depuis Respire. C’est un texte qui m’a aidée à me sentir plus légitime dans l’écriture et à prendre plus de plaisir sans me soucier de ce qu’on peut penser. Il m’a fait beaucoup de bien. Il faut dire qu’il est largement autobiographique, bien que cela reste un roman. J’y parle notamment de l’enseignement, car l’héroïne est également prof de lettres, comme moi. Le point de départ, c’est une lettre d’une jeune fille de 16 ans, écrite à l’adulte qu’elle sera. Elle s’apprête à publier son premier roman et ne sait pas trop ce qui l’attend. Et tout le livre, c’est la réponse de l’adulte à la jeune fille qu’elle était. Alors oui, elle n’est pas devenue la romancière qu’elle espérait, mais elle s’est construite autrement. Le roman parle de ça, de comment on se construit entre 16 et 22 ans, par les amitiés, les études, les échecs et les réussites.

En parlant de la jeunesse, les adolescents lisent de moins en moins. Vous qui êtes une littéraire depuis l’enfance, qu’avez-vous envie de leur dire ?

Je leur dirais de se faire plaisir, de tout s’autoriser. Il n’y a pas de honte à lire des BD ou des mangas. Ça peut être des entrées vers la littérature. Évidemment, je leur dirais bien de lâcher leurs téléphones, mais ça, c’est plus compliqué (rires). Je suis maman d’une jeune ado, je sais ce que c’est. Mais le problème, ce n’est pas eux, c’est la société dans laquelle on est. C’est plus facile de scroller sur les réseaux sociaux que d’ouvrir un livre. En plus, les gens dans leur globalité lisent moins, pas eux uniquement. Et dans mes classes, je vois encore des jeunes qui lisent, donc je suis toujours optimiste.

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