Faut-il dénoyauter les cerises ? Surtout pas, diront les amateurs, car le noyau confère lors de la cuisson une exquise saveur boisée au dessert. Et l’ancien maire de Strasbourg Pierre Pflimlin abondait dans ce sens. Ce dessert était son préféré. Il aimait évoquer les vacances passées à Saverne, à s’imprégner des parfums des vergers s’étirant au pied du Haut-Barr. A Mulhouse, dans la cour de la maison où il a grandi, un cerisier arborait une frondaison magnifique que l’été chargeait de Herzkirsche, des « coeur-de pigeon », cerises juteuses à souhait, idéales pour le mendiant que confectionnait Antoinette, sa grand-mère sundgauvienne.
Christophe Meyer, le chef pâtissier de la Maison Christian à Strasbourg, a réalisé cette recette pour Pierre Pflimlin dans notre émission Zuckersiess sur France 3 Alsace en 1993. Pour lui être agréable, Christophe avait pris soin de dénoyauter les cerises. Pierre Pflimlin lui a dit : « Oh ! vous auriez dû laisser les noyaux. Ils apportent une saveur supplémentaire au mendiant. Et cela vous aurait épargné une tâche rébarbative ».
Le mendiant se déguste tiède ou froid. En hiver, réalisé avec des cerises congelées, il compose, précédé d’une soupe de légumes, un repas rustique et savoureux. D’autres fruits peuvent remplacer les cerises : pommes en dés, mirabelles, quetsches, abricots.
Cueillons les cerises avec gourmandise.
Et chantons les cerises, sur les paroles du chansonnier Jean-Baptiste Clément et la musique composée par le ténor d’opéra Antoine Renard :
Quand nous chanterons
Le temps des cerises
Et gai rossignol
Et merle moqueur
Seront tous en fête
Il n’y a pas plus bel endroit pour regarder le monde que du haut d’un cerisier, lorsque ses fruits mûrs contrastent si joliment avec le vert des feuilles et que leur chair éclabousse les becs voleurs des merles.
Les cerises et le cerisier en deux dictons
Solàng àss de Kìrschbaum bliejt, kànn’s noch Kìrsche gann
Tant que fleurira le cerisier
On pourra espérer des cerises.
Mit de Herre isch nit güet Kirsche asse : sie schmisse eim d’Stein in ‘s Gsìcht !
Il ne fait pas bon déguster les cerises avec les nantis, car ils vous jettent les noyaux au visage !
©Marcel Ehrhard
De Battelmànn le mendiant aux cerises noires
Recette extraite du livre Les meilleurs desserts d’Alsace (La Nuée Bleue)
Ingrédients pour 6 à 8 personnes, pour un moule à manqué de 26 cm de diamètre :
4 œufs
1/2 l de lait
150 g de sucre
1 sachet de sucre vanillé
1 cuillerée à café de cannelle
6 petits pains au lait rassis (ou des restes de brioches ou de kougelhopf)
100 g de noisettes (ou d’amandes) moulues
1 kg de cerises noires fraîches (ou un bocal de un litre de cerises en conserve)
3 cuillerées à soupe de chapelure
40 g de beurre.
1| Portez le lait à ébullition et faites-y tremper les petits pains au lait. Laissez refroidir et écrasez à l’aide de la main ou d’une fourchette. Ajoutez les sucres, la cannelle et les noisettes (ou amandes) moulues.
2| Incorporez un à un les œufs puis les cerises non dénoyautées. Beurrez un plat creux allant au four (en pyrex, en terre cuite ou en métal). Versez la préparation dans le plat. Saupoudrez avec la chapelure et parsemez de quelques flocons de beurre.
3| Faites cuire à four chaud (210° – thermostat 7) pendant 1 heure. Vérifiez la cuisson en enfonçant une aiguille à tricoter ou une lame de couteau. Si elle sort sèche, c’est que le mendiant est à point.
4| Dégustez le mendiant tiède ou froid. Vous pouvez aussi, pour une version plus sophistiquée, le servir nappé d’un coulis de cerises fraîches.
Mariez le mendiant avec un pinot noir d’Alsace aux notes de cerises. Vous obtiendrez également un accord somptueux sur un vin doux naturel de Rasteau (Vaucluse) ou un guignolet qui est une liqueur de cerises originaire d’Anjou. Pensez aussi à un thé noir parfumé à la cerise ou à l’Amarena, ce sirop italien de cerises amères. Ou optez, de façon plus sobre et diurétique, pour une infusion de queues de cerise.
