Alcool sur le lieu de travail

Que prévoit la loi ? Comment l’employeur doit-il gérer ces situations ?

0
874

Il arrive que l’alcool fasse irruption dans l’enceinte de votre entreprise. C’est le cas, exceptionnel fort heureusement, lorsqu’un de vos salariés se retrouve en état d’ivresse à son poste de travail. C’est le cas plus couramment lorsque vous décidez d’organiser un pot dans votre entreprise, qu’il s’agisse d’un pot de départ ou d’une fête d’entreprise, de fin d’année par exemple. Cette question de l’alcool dans l’entreprise ne doit alors surtout pas être prise à la légère. En effet, de telles situations peuvent générer des risques non négligeables : accidents de travail, accident de la route d’un salarié repartant chez lui en voiture, incidents voire violences dans votre entreprise. Pour agir en connaissance de cause, voici un point sur les règles juridiques à connaître en la matière.

De l’alcool peut être introduit et consommé dans l’entreprise, mais avec modération !

Le Code du travail tolère l’introduction et la consommation de certains alcools dans l’entreprise. Sont concernés le vin, la bière, le cidre et le poiré. Les autres boissons alcoolisées n’étant pas permises.

Toutefois, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés. Il doit donc mettre en place, dans son entreprise, toutes les mesures utiles pour assurer leur sécurité et protéger leur santé. À ce titre, il peut, dans une démarche de prévention, prendre des dispositions plus sévères que celles du Code du travail et restreindre, voire interdire, via le règlement intérieur ou une note de service, l’introduction et la consommation d’alcool. L’employeur peut même, en cas de danger particulièrement élevé pour ses salariés et pour les autres personnes, interdire toute imprégnation alcoolique aux travailleurs occupant des postes à risque. Peuvent par exemple être visés par de telles restrictions les conducteurs d’engins, les salariés effectuant un travail en hauteur, et ceux manipulant des produits dangereux.

Par ailleurs, le Code du travail prévoit qu’il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse. Une interdiction qui s’applique aussi bien aux salariés de l’entreprise qu’aux autres personnes (fournisseurs, prestataires de services etc.).
En pratique, la question de la consommation d’alcool se pose tout particulièrement lors des évènements organisés par l’entreprise, comme la fête de fin d’année. Si une interdiction pure et simple de consommer de l’alcool peut paraître disproportionnée, vous avez tout intérêt à prendre certaines précautions. Ainsi, l’INRS recommande, par exemple, de limiter les quantités d’alcool proposées, de fournir des boissons non alcoolisées en quantité suffisante et de mettre des éthylotests à la disposition des salariés.

L’employeur peut à certaines conditions contrôler le taux d’alcoolémie d’un salarié

L’employeur peut, sur les lieux du travail, imposer des contrôles du taux d’alcoolémie par éthylotest. Mais puisque ces contrôles constituent une atteinte aux libertés individuelles des salariés, ils ne sont légitimes que sous certaines conditions.

En premier lieu, le principe de ces contrôles, ainsi que leurs modalités pratiques, doivent être prévus dans le règlement intérieur ou à défaut, dans une note de service. En deuxième lieu, ces contrôles ne peuvent pas être pratiqués pour tous les salariés et en toutes circonstances : ils doivent être limités aux situations dans lesquelles l’état d’ébriété du salarié peut, compte tenu de la nature de son travail, exposer les personnes ou les biens à un danger. Ces contrôles doivent, en effet, avoir pour but de prévenir ou faire cesser une situation dangereuse.

Enfin, puisque la Cour de cassation considère que l’employeur peut utiliser le résultat positif d’un éthylotest comme fondement au prononcé d’une sanction disciplinaire, une procédure de contestation de ce contrôle par le salarié (notamment par la réalisation d’un second test) doit être prévue et le salarié doit être informé de cette procédure.

Et attention à un point très important : le salarié a le droit de s’opposer à un éthylotest. Et en cas de refus d’un tel contrôle, l’employeur doit faire appel à un officier de police judiciaire, seul habilité à l’imposer.

L’employeur doit réagir très vite face à un salarié ivre !

Face à un salarié en état d’ébriété dans l’entreprise, l’employeur doit l’écarter de son poste de travail et le faire raccompagner chez lui ou, à défaut, le maintenir dans l’entreprise, mais dans un lieu sans danger pour le salarié et les autres employés, le temps que celui-ci redevienne sobre.

Une telle situation peut, par ailleurs, conduire l’employeur à prononcer une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave, à l’encontre du salarié. La sanction devra toutefois être proportionnée aux circonstances de faits et aux antécédents du salarié (fonction du salarié, événement isolé ou récidive, comportement du salarié ivre, éventuels dégâts sur les biens de l’entreprise, etc.).  Quant à la preuve de l’ébriété du salarié, elle pourra être établie par la réalisation d’un contrôle par éthylotest ou à défaut, par les témoignages des autres salariés, de tiers, etc.

Mais attention : dans certaines hypothèses, prononcer une sanction disciplinaire à l’égard d’un salarié en état d’ivresse ne constitue pas une réaction appropriée. En effet, il est reconnu de nos jours que l’alcoolisme chronique est une maladie. Une sanction imposée par l’employeur à un salarié souffrant d’addiction à l’alcool pourrait être considérée comme discriminatoire puisque liée à son état de santé. Dans une telle situation, l’employeur aura donc plutôt tout intérêt à faire intervenir le médecin du travail pour qu’il se prononce sur l’aptitude du salarié au travail et pour une éventuelle prise en charge médicale. 

L’employeur doit agir lorsqu’un de ses salariés se retrouve en état d’ivresse !

L’employeur qui tolère l’introduction et la consommation de boissons alcoolisées interdites dans l’entreprise ou encore qui tolère des personnes en état d’ivresse sur les lieux de travail peut être pénalement sanctionné. Une amende spécifique est d’abord encourue. Elle s’élève à 10 000 € par salarié concerné. De plus, la responsabilité pénale de l’employeur peut également être retenue lorsque des accidents sont causés par un de ses salariés en état d’ivresse. Ainsi en est-il d’un employeur pouvant être poursuivi pour homicide involontaire pour avoir laissé conduire un salarié soûl ayant causé un accident mortel de la circulation !