Amertume

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Ma voisine est très joyeuse depuis une semaine, comme si elle avait trouvé une appli magique, un amoureux ou une amoureuse, une bière fraîche ou un pays d’accueil. Rien n’a changé fondamentalement, alors c’est peut-être le retour des beaux jours qui lui redonne le sourire. « Quel bonheur de respirer dans ce pays si soudé… J’ai vu tellement de trucs dégueulasses avant et après les deux tours des présidentielles que je me suis déconnectée des réseaux sociaux et de mes ordinateurs », elle a dit un peu amère, avant d’ajouter : « Et tu sais quoi mec, je vais beaucoup mieux ».

Une pomme par jour et moins d’Apple éloignent le médecin, j’ai répondu en l’invitant à boire un jus. Au troisième amer, elle m’a dit que la vie était tellement belle, que c’était dommage de se la gâcher avec les rois de l’amertume, ces cons qui traînent sur les réseaux comme dans un coin mal famé, l’arme et la connerie entre les dents de leur visage masqué.

Elle respire mieux ma voisine depuis une semaine, et en plus, comme ceux qui décrochent de leur téléphone quelques jours, elle ne voit plus, entre autres, ces pubs monstrueuses pour retrouver un corps parfait en 12 minutes, toutes ces injonctions qui nous font culpabiliser de n’être que nous. Elle écoute de la musique, va au ciné, au théâtre, elle lit, elle attend l’Humour des notes de Haguenau avec impatience, histoire de se reconnecter avec la vie et de fêter le mois de mai tellement riche de promesses.

Et puis, elle a conclu, alors que nous deux toujours pas : « Je me sens tellement bien que si Macron me propose le poste de Premier ministre, je réfléchis ». « Comme Ségolène Royal à qui on n’a rien demandé », j’ai répondu. Elle s’est resservi un verre et ensuite, nous avons pris l’apéro.