Audi Quattro Sport, la naissance d’un mythe

Que les années 1980 semblent loin ! L’automobile n’était pas encore marquée au fer rouge, celui qui met au ban passion et plaisir au nom d’injonctions justifiées mais mortifiantes. C’est à cette époque que sont nés certains des grands mythes modernes. À commencer par la Quattro Sport signée Audi, qui lança la légende des Anneaux.

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Peu d’époques semblent aussi éloignées de la nôtre que celle des années 1980. En particulier dans le domaine de l’automobile. Impensable, en effet, d’imaginer aujourd’hui des courses embarquant sur les routes de France et de Navarre, des monstres de plus de 500 ch, devant une foule ébahie. C’était pourtant le cas jadis. Le championnat du monde des rallyes était particulièrement bestial, violent, racé et brûlant.

Au tout début de cette décennie, Audi s’engage dans la célèbre division Groupe B de cette course folle. L’attraction des routes sinueuses dévorées à plus de 130 km/h devient rapidement la bouillonnante Quattro. Des grands noms du volant écrivent en lettres d’or les plus belles pages de leur carrière, comme Stig Blomqvist, Walter Röhrl ou encore la grande Michèle Mouton. L’A1 et L’A2 font trembler un univers déjà empli de bruit et de fureur. Le règlement du championnat imposait alors la production minimale de 200 exemplaires de série pour homologuer un véhicule dans la catégorie tourisme, celle du Groupe B. C’est ainsi qu’est née la Quattro Sport.

Monstre sacré

La première mouture est ainsi excessivement rare. Ces représentants coûtent aujourd’hui plus de 300 000 € et font la joie des collectionneurs. Les lignes de la voiture de série donnent le ton. Tout semble taillé au scalpel. On ne peut faire plus droit, plus direct, plus tranchant. Même les pneus sont d’une étroitesse vertigineuse. Déjà à l’époque, Audi savait combiner simplicité du style et élégance absolue. Rien, derrière ce regard lancé par les phares carrés typiques de l’époque, ne trahit d’ailleurs le caractère sportif de cette dévoreuse d’asphalte. Une fois dans l’habitacle, on comprend mieux pourquoi « austère » est le qualificatif qui colle le plus à la peau des productions allemandes. À côté des créations d’alors, les propositions actuelles venant d’outre-Rhin relèvent du style baroque !

Pour la qualité des matériaux utilisés, il faudra repasser. Le brutalisme est le maître mot, et le plastique de piètre apparence, la pierre angulaire de l’architecture générale. Cette Quattro ne se donne pas et fait preuve d’un caractère froid, chirurgical. Sous le capot, c’est tout aussi glaçant. C’est un 5-cylindres en ligne qui officie, épaulé par un turbo démesuré. Sa cylindrée est de 2 100 cm3. La bête est ainsi poussée par 306 canassons à 6 700 tr/min et par 365 Nm de couple. Autant dire que le rapport puissance/cylindrée impressionne, même en prenant une grille de lecture actuelle.

De quoi mouvoir ce grand cube sur roue avec une vivacité déconcertante et lui permettre d’avaler, malgré un aérodynamisme douteux, le 0 à 100 km/h en 4,9 s. De quoi lancer aussi cette boîte à chaussure teutonne à plus de 249 km/h. Sacré moteur ! Celui-ci brille autant sur un filet de gaz, où il se montre souple et avenant, que haut dans les tours, où il montre tout son charisme. Sous 3 000 tr/min, le 5-cylindres est un chaton, mais attention, comme les Gremlins, il ne faut plus lui donner à manger au-delà.

La Quattro déchaîne alors tous les feux de l’enfer et pousse comme une diablesse. Le vrombissement du moteur entonne une folle cavalcade. L’expérience est unique, traçant un sillon indélébile dans le système nerveux central du pilote. Heureusement, la direction est parfaite, avec un ressenti que l’on a perdu définitivement aujourd’hui : c’est direct, comme si les mains étaient en contact immédiat avec le train roulant, avec l’asphalte. La transmission intégrale, qui sera à l’origine de la légende des Anneaux, achève d’avaler tous les obstacles qui se dressent sur la route de la Quattro. La grande Allemagne était de nouveau sur roues.