Vous êtes née en 1958 à Bayonne, et pourtant, vous avez vécu une belle histoire avec l’Alsace et avec le Retable ?
J’étais élève conservateur et j’effectuais un stage au musée de Castres. On est venu chercher un buste de femme pour une exposition sur Picasso, on est parti à 4h du matin pour que j’aie le temps de voir le Retable. Bien plus tard, quand le poste s’est libéré, j’ai postulé. Je ne connaissais pas l’Alsace, rien ne m’attirait vers l’Est. Je me souviendrai toujours de ce moment. Je suis restée assise sur le petit banc, deux heures sans bouger. J’étais devant une œuvre absolue. Un truc qui me dépassait et sur lequel je n’arrivais pas à mettre un mot. Je crois que la vraie raison de mon désir de m’installer à Colmar, c’est le Retable.
Sa restauration a été très compliquée à mener !
Oui, je m’en suis pris plein la gueule. Alors que la commission de restauration avait donné un avis favorable, deux jours après le début de la restauration, il y a eu un papier dans la Tribune de l’art, et aussi dans Libération, qui disait qu’il ne fallait absolument pas toucher à cette œuvre, qu’il ne fallait pas la restaurer, que c’était n’importe quoi. La terre entière est venue me demander ce que j’étais en train de faire, ma direction m’a vraiment lâchée. Mais, je savais qu’il fallait la restaurer et j’avais confiance. Aujourd’hui, la restauration du Retable fait l’unanimité, et elle reste le souvenir le plus fort de ma carrière.
Vous venez de prendre votre retraite, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
J’ai beaucoup procrastiné sur le rangement de mon bureau, ça fait bizarre, même si j’ai des centaines de projets. Je vais écrire des articles, je siégerai au Haut Conseil des musées de France, et je suis depuis quelques mois présidente de la Société d’Histoire de Colmar.
Vous allez rester en Alsace ?
Oui, je me suis posé la question, toute ma famille est à Bayonne, mais je reste là, mes amis sont ici, et puis je peux aller facilement à Bâle, Zurich, Strasbourg, Paris ou Karlsruhe où il y a tout le temps des expositions. J’aime bien les Alsaciens, ils sont comme les Basques, de vraies têtes de mules fières de leur patrimoine et de leur histoire, une histoire qui me touche beaucoup.