Ils se considèrent comme les grands oubliés de la crise sanitaire. Jeudi 8 octobre, l’Union Régionale des Professionnels de Santé Médecins Libéraux Grand-Est (URPS ML) a présenté lors un bilan complet de la gestion de l’épidémie de Covid-10 entre janvier et juillet 2020.
Objectif : tirer les leçons de la première vague de l’épidémie. Et le constat est amer. « On aurait pu mieux faire », explique Guilaine Kieffer-Desgrippes, président de l’URPS ML. «Cette crise a été traumatisante pour les praticiens de santé de ville», estime-t-elle, ajoutant qu’il n’agit pas pour les médecins libéraux d’établir un bilan à charge, mais de ne pas « faire de langue de bois ». Délaissés et mis à l’écart alors que le personnel hospitalier manquait de moyens, les praticiens évoquent une politique trop «hospitalo-centrée».
Des chirurgiens sans patients
Bernard Llagonne, chirurgien et vice-président de l’URPS ML rappelle : «À partir du 16 mars, ça a été un séisme pour les cliniques: les opérations chirurgicales ont été suspendues». Le praticien décrit l’absurdité de la situation : des chirurgiens sans patients et du matériel qui aurait pu servir à ceux qui en manquaient. Et cette anecdote : « Dès le mois de mars, j’ai signalé à l’ARS que je disposais de matériel pour prendre en charge des patients malades du Covid. Nous avons eu, le lendemain, des patients en relais, mais nos respirateurs ont été réquisitionnés et envoyés au CHU de Reims. Deux mois plus tard, on nous les a renvoyés, toujours emballés sous cellophane. Ils n’avaient pas été utilisés, faute de personnel supplémentaire
pour le faire ! ».
Pascal Meyvaert, médecin généraliste et coordinateur dans deux EHPAD à Gerstheim, abonde : « Nous avons découvert que des patients que nous n’avons pas réussi à sauver auraient pu être pris en charge par les cliniques ». Il détaille : « Dans la deuxième quinzaine de mai, nous avions des difficultés de prises en charge et des difficultés à joindre le centre 15 alors que le discours officiel était d’appeler directement le numéro ».
Et le système D auquel beaucoup d’établissements ont eu recours: « Il y a eu beaucoup de solidarité entre EHPAD », rappelle Pascal Meyvaert, indiquant que des entreprises ont aussi fourni des masques aux établissements.
Trois mois sans travailler
Il y a aussi ces patients dont les opérations ont été déprogrammées pendant la période du Covid et ceux qui n’osaient plus se rendre chez le médecin pour une consultation. « Le message d’alors était : Appelez le 15, ne vous rendez pas chez votre médecin », glisse Guilaine Kieffer-Desgrippes. Résultat : « On a retrouvé des patients souffrant de problèmes chroniques, cardiaques ou diabétiques en très mauvais état », poursuit-elle. Bernard Llagonne prévient : « Ces retards de diagnostics qui n’ont pas été faits à cette période auront des conséquences en 2021, 2022 ».
Selon l’Union, entre 40 à 50% des médecins généralistes n’ont pas travaillé pendant les mois de mars, avril et mai. Autant de professionnels qui auraient pu seconder les équipes des hôpitaux. Bernard Llagonne pointe des incohérences administratives : « L’ARS était d’accord pour que nous prenions en charge des patients COVID. Mais la délégation locale a refusé, arguant que c’était illégal et que nous devions faire des contrats de travail. Alors que nous étions en situation de guerre… ».
Recommandations
Dans ses recommandations, l’URPS ML souhaite être davantage associée à l’élaboration des plans de crise ainsi qu’une gestion territoriale pour la deuxième vague. L’Union demande aussi à mettre en place un numéro spécifique d’accès au 15 pour les médecins de ville et surtout: que la confiance entre patients et médecins soit rétablie. Car aujourd’hui, certains ont toujours peur de revenir dans les
cabinets.