Pfaffenbronn : Faire son huile sans se presser

Grâce au moulin à huile de Chrétien Jaming, tout le monde peut faire presser sa propre huile de noix, noisettes, colza ou olives. Une tradition familiale qui séduit de plus en plus d’adeptes, venus parfois de loin.

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Chrétien Jaming et la broyeuse qu’il a imaginée et confectionnée lui-même. ©Sébastien Ruffet

Un simple panneau de bois m’indique mon objectif du jour. On ne m’avait pas
menti : le village de Pfaffenbronn, au-dessus de Lembach, est tout en longueur, et une vieille camionnette jaune est garée en face. Le moulin, lui, est bien caché. N’imaginez pas un paysage hollandais, car on parle ici d’une meule autrefois actionnée par un cheval, aujourd’hui remplacé par un moteur électrique les jours de tourisme. Il faut donc baisser un peu la tête – surtout quand on est grand comme moi – et pénétrer l’ancien corps de ferme pour découvrir la bête. 

Sens en éveil

L’odeur ambiante est difficile à définir. J’ai l’impression que l’air cherche à me pénétrer pour instiller des souvenirs lointains. Du vieux bois, une flamme qui chauffe, deux grosses pierres aux flans rendus brillants par plusieurs générations d’huiles, de 1827 à 2021, comme si le temps lui-même hésitait sur la date. Chrétien Jaming, 55 ans, a repris l’exploitation il y a 10 ans, quand sa maman a pris sa retraite. Il s’active, comme son père l’a fait avant lui. Il a récupéré les noix d’un client, et s’apprête à en faire une pâte, après les avoir broyées dans une machine de sa conception. « La meule, c’est quand j’ai des bus de touristes, mais ça marche quand même moins bien. On perd un peu de matière, et ça met plus de temps. »

Tout juste pressées les noix livrent une huile d’une pureté incomparable. ©Sébastien Ruffet


Le protocole reste néanmoins totalement artisanal, avec le coup d’œil de l’expert. « Il faut que ça reste une pression à froid, on ne doit pas dépasser les 40, 45°. Si je commence à me brûler la main, c’est que c’est trop chaud ! » Au-delà, la torréfaction fera perdre toutes ses qualités nutritives au produit. Des qualités qui amènent des clientes comme Brigitte : « Elle est excellente, parfumée, très fluide. L’huile de noix, c’est recommandé par le médecin pour les problèmes cardiaques, alors j’en prends pour des amis. » 

L’ancien moulin date de 1827 et sert encore occasionnellement. ©Sébastien Ruffet

« C’est magnifique ! »

Tout le monde peut apporter sa matière première, à condition de prendre rendez-vous. « Je le fais immédiatement, ça prend une heure on va dire. Vous allez vous promener dans le coin, et vous repartez avec votre huile. » Il vous en coûtera 4€ le litre, un tarif pour le moins raisonnable, qui n’englobe pas votre travail : ouvrir et trier les noix ! « Il faut qu’elles soient bien sèches pour en tirer le plus d’huile », prévient Chrétien. « Et il faut enlever la membrane, ça rend amer. » 

Le lieu a mis des étoiles dans les yeux de la petite Hiba, passée par là avec son papa Tarik : « C’est magnifique ! » – Le papa, plus volubile, évoque « une expérience merveilleuse, avec un accueil bouleversant. On vient de Lingolsheim et on reviendra. Ce genre de produit, c’est du  luxe ! » Drôle d’époque que celle où le travail du paysan devient un produit de luxe.