En ces moments de crise, où l’on passe plus de temps enfermé et masqué que dehors et démasqué, il est bon de revenir aux fondamentaux. Parmi les œuvres qui peuvent changer une vie, il y a « L’éloge de la fuite » du médecin Henri Laborit qui s’est fait connaître du grand public grâce à la vulgarisation des neurosciences et surtout avec l’expérimentation de la cage d’inhibition (utilisée par Alain Resnais dans Mon oncle d’Amérique). Pour beaucoup ce livre publié en 1976 est essentiel.
Dans l’expérience de Laborit, il y a d’abord un rat dans une cage en deux compartiments au plancher grillagé, le rat peut passer de l’un à l’autre par une porte. Un signal sonore et un flash lumineux sont enclenchés, puis quatre secondesplus tard un courant électrique est envoyé dans le plancher grillagé. Comme la porte est ouverte, le rat apprend très vite la relation temporelle entre les signaux et la décharge électrique qu’il reçoit dans les pattes. Il sait comment éviter la « punition » en passant dans l’autre partie de la cage, mais à peine est-il arrivé que l’on active les signaux,et quatre secondes plus tard le choc électrique s’enclenche et le rat fait le chemin inverse. Le jeu recommence comme cela dix minutes par jour. Après huit jours, l’état biologique de notre rat, l’animal le plus proche de l’homme, est excellent. Deuxième configuration : deux rats sont placés dans la même cage, mais la porte est fermée. Ils ne peuvent pas s’enfuir et vont subir la punition. Très vite, ils se battent. 8 jours plus tard, leur état biologique, à part les morsures et les griffures, est excellent. Pour la troisième phase de l’expérience, le protocole est identique, mais le rat est seul dans la cage, la porte est fermée, il ne peut pas échapper à la punition. Les examens biologiques révèleront une chute de poids importante, une hypertension artérielle et de multiples lésions ulcéreuses sur l’estomac. Laborit conclut que l‘animal ne développe pas de trouble organique quand il peut réagir par la fuite ou par la lutte. Si ce n’est pas le cas, il se trouve en inhibition et favorise des symptômes et des perturbations pathologiques. En gros, c’est le début des emmerdes. Comme le rat, l’humain enfermé, coincé dans une situation sans issue, commence à dépérir.
C’est peut–être un raccourcit facile, mais le deuxième confinement ne serait-il pas une punition ? Et si c’est le cas, comment ne pas y laisser des plumes ? Si l’on suit les conseils de Laborit, il faut combattre ou fuir. La fuite étant interdite, à moins de passer ses nuits en pleine forêt et devenir un ermite (sans Netflix ce n’est pas envisageable), la solution n’est pas là. Pour éviter l’inhibition, il ne reste que le combat, ce qui suppose un autre combattant quand le besoin, c’est-à-dire le choc électrique, se fait sentir. Évidemment, quand on parle de combat, c’est une transposition, une image, le combat est surtout l’expression de nos opinions, de nos points de vue, l’idée est de mettre notre énergie dans quelque chose (mais comme dit ma voisine, le rat ne va pas devenir peintre et refaire tout son appartement, et l’homme ne va pas casser la figure à tout l’immeuble sous prétexte qu’il entend un peu trop ses voisins ces temps-ci.) Alors, au lieu de se renfrogner, de tout garder à l’intérieur, quelle est la solution quand la goutte d’eau fait déborder le vase ? On peut le fracasser sur le parquet, le vase, mais une bonne et régulière engueulade avec la ou les personnes qui partagent notre confinement peut faire l’affaire, mais ce n’est pas suffisant. J’ai lu que, rapport au confinement 2, nous sommes un peuple étrange, nous acceptons docilement de nous contraindre au confinement, de vrais petits animaux de laboratoire. En gros, nous sommes piégés comme des rats pour une raison simple, nous arrêtons de vivre de peur de mourir. Pour éviter la mort, qui rôde à chaque coin de rue nous a dit le grand méchant loup, nous sommes obligés de rester enfermés. Du coup, quand cela devient insupportable (c’est la punition qui frappe, le choc électrique), les rats des villes et des champs s’inhibent. Donc, si Laborit a vu juste, nous mourrons à petit feu. En fait, ce virus, c’est la double « punition ». Comme dit ma voisine, « On nous la met bien priront cette année », 2020 a même son logo au cas où l’on n’aurait pas compris ! Alors, je vous le dis mes amis, entrons dans le combat, histoire de ne pas tout perdre, et notre âme en prime. Le combat à mener n’était-il pas celui contre nos peurs ? Et dans la liste, la peur de mourir est largement en tête, de rat. J’ai une grande nouvelle : nous sommes mortels. C’est dingue non ? Notre condition donne toute sa saveur à notre existence, mais évidemment, ce n’est jamais sans combat ni sans fuite.