lundi 14 octobre 2024

Guy Butterlin, l’âme des guitares

Salut les Maxi-Läsers, vous connaissez Heiligenstein ? Nààn ! Gell ! àwer nèè ! Wass ! Un village de 900 habitants perché en haut d’une colline, on peut même y aller à pied. C’est entre Obernai et Barr. Il faut à tout prix que j’vous emmène là-haut, à la rencontre de mon ami Guy.

C’est une belle promenade tout en douceur, on traverse des prairies, à perte de vue, où fleurissent des lupins, des marguerites. Quelques pas plus loin, ça grimpouille légèrement, une lumineuse clairière entourée de bouquets d’arbres apparaît. Les digitales longilignes se balancent au gré du vent avec leurs nombreuses fleurs en forme de clochettes, pourpres, elles tintinnabulent sur le chemin. Que c’est charmant ! Enfin, on arrive un peu exténué dans ce bourg propret, accroché sur un éperon rocheux au pied du mont Sainte-Odile. Dans une petite ruelle, mais vraiment au fin fond de cette ruelle se trouve une caverne de 1000 trésors, de 1000 sonorités. Et alors ! Muller, aber langsam liebe leute! Je vais vous conter une belle histoire d’un rêve d’enfant qui est devenu réalité.

Un jouet extraordinaire qui faisait zip, bap, brr quand il tournait

Guy était un enfant malicieux, coquin, espiègle, ses jouets préférés dans sa tendre enfance, c’étaient des cubes de bois de toutes les couleurs qu’il chérissait, un jeu de construction qu’il rangeait minutieusement dans une valisette rouge en carton, sous son lit. Quand on lui offrait un jouet, il préférait l’examiner de l’intérieur, démonter pièce après pièce, comprendre son fonctionnement, et ça, pour tous les jouets. Corinne sa sœur aînée avait une poupée de la marque Bella, elle marchait, clignait des yeux, tournait la tête et disait « maman ». Tout ce tintamarre avec cette poupée, ça a tellement énervé Guy ! Un jour, il a kidnappé la poupée, il l’a opérée à cœur ouvert, en a extrait le moteur, pour le transplanter dans un autre jouet. Guy avait fabriqué une péniche en bois de ses petites mains. Corinne ne lui a jamais, jamais, pardonné.

Quelques années plus tard

Guy Butterlin est passionné par le travail du bois depuis l’âge de 10 ans. Son rêve était de fabriquer des instruments de musique, guitares, violons, les entretenir pour devenir luthier. Il n’a pas pu entrer à l’école de la lutherie de Mirecourt, il n’avait pas étudié le solfège ni joué d’un instrument de musique. Mais ce rêve va sommeiller en lui. Il a fait ses premières armes chez un ébéniste d’Art à Colmar, son brevet de compagnon en poche, il a travaillé dans la fabrication de mobilier pendant plus de trente ans. Au préalable chez un sculpteur sur bois, ensuite dans la restauration de meubles du 17e et 18e siècle, enfin il est devenu prototypiste-ébéniste, au sein de l’ébénisterie Seltz, il a créé des prototypes avant l’industrialisation, des chaises en chêne massif, des buffets en orme, des tables en chêne et tutti y quanti. Mais le fabricant de mobilier contemporain Seltz en faillite a mis la clé sous le paillasson. Guy a été licencié. Comme un félin, Guy est retombé sur ses pattes de velours.   

   

Les guitares sont entre de bonnes mains. / ©dr

Merlin l’enchanteur

Drôle de coïncidence en 2003, un ami guitariste connu dans notre contrée lui confie une guitare folk dans un état déplorable : les cordes métalliques tournicotaient comme des bigoudis sur la tête brisée de la guitare lors d’un concert survolté au Dôme de Mutzig. Son rêve d’enfant enfoui dans les entrailles de la vie refait surface.  Aujourd’hui, Guy Butterlin, ce Maître luthier autodidacte fait partie des 400 luthiers en France. Il est toujours aussi dingo d’un morceau de bois, un homme très talentueux, le joaillier de la lutherie. Son travail d’orfèvre est remarquable, très apprécié par les meilleurs guitaristes de la région et même d’un peu plus loin. Son atelier aux mille trésors se trouve sur les hauteurs de Heiligenstein, dans cette petite ruelle où je vais lui rendre une petite visite. Je le découvre à travers sa verrière à petits carreaux. Guy est concentré sur son banc de rabotage, le nez dans une guitare. Je frappe toc, toc, toc. D’un signe de la main il me dit komm komm André in mini budig !

Et voilà le travail. / ©dr

– Salut ! Géjeböjer ! Ce rêve d’enfant est devenu une réalité Guy, enfin ?

– Oui, après un long chemin biscornu. Dans ma famille, nous n’étions pas musiciens. Pour être luthier, il faut être musicien, connaître le solfège, alors j’ai tout appris tout seul, ce n’est jamais facile, mais je ne lâche jamais rien !
Tu sais André, il faut toujours aller au bout de ses propres rêves et surtout d’un doux rêve d’enfant.

– Parle-moi de ton métier de luthier, tu es un peu le docteur de la guitare ?

– Le docteur des âmes des guitaristes (rires). Je répare, j’entretiens, mais je fabrique surtout des guitares sur mesure. Mes clients aiment venir dans mon atelier, choisir leur bois, tester des modèles. Ils cherchent une guitare qui a du coffre, du confort et un son idéal.

– Le jour de la remise de la guitare, dans quel état sont les musiciens ?

– Oh, là, je frétille de bonheur, c’est un moment très excitant. Il y a souvent des larmes de joie, au début j’étais très surpris, aujourd’hui je serais très vexé s’il n’y avait pas toute cette émotion, mes acquéreurs guitaristes deviennent très souvent des amis.  

– Guy, on se sent bien dans ton atelier aux mille trésors, aux mille sonorités, tout ce bois est enchanteur, cher Merlin l’enchanteur, un grand merci à toi pour cette charmante découverte, Géjeböjer ich komm wïdder emol !!

Soyez sages les Maxi-läser, à bientôt pour d’autres aventures dans un petit recoin de notre paradis alsacien. A’ Plume !  

André Muller, Le Maxi-Trotteur

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