Isabelle Alonso : « Les vrais hommes sont féministes »

Les vrais hommes sont féministes est le titre du dernier livre d’Isabelle Alonso, romancière chroniqueuse radio et télé. Pour elle, les injonctions permanentes du patriarcat réduisent nos pensées et détruisent la planète, notre système est au bout du rouleau, c’est un désastre, alors que l’androcentrisme, l’homme au milieu de tout, et le patriarcat sont en pleine forme ; ils restent la loi de notre jungle. Avec l’humour qui la caractérise, Isabelle Alonso a repris le chemin de l’écriture et se lève une fois encore contre « la plus ancienne des oppressions », même si les choses avancent, car il n’y a pas si longtemps une femme qui faisait un enfant hors mariage était une pestiférée et #metoo n’a pas cinq ans. Cet ouvrage s’adresse aux hommes, pas tous les hommes, seulement les vrais, ceux qui pourraient mener « la plus belle des révolutions », sans violence et sans haine pour dynamiter le patriarcat de l’intérieur. La romancière appelle les mecs à devenir des féministes sévèrement burnés, des hommes qui n’ont pas besoin du machisme pour se sentir virils, pas besoin d’écraser pour se sentir exister. La parole de ces hommes-là est plus entendue et respectée que les voix féminines. La plupart des consciences dorment à poings fermés pendant que d’autres continuent de s’en servir (de leurs poings) pour affirmer leur puissance. Entretien exclusif pour Maxi Flash.

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Isabelle Alonso ©DR

Maxi Flash : Je trouve que ce livre est un peu le prolongement de Et encore je m’retiens. Dans votre spectacle qui a fait le tour de France il y a presque dix ans, vous proposiez d’essayer avec les femmes, car visiblement le monde construit par les hommes et le patriarcat ne fonctionne pas du tout. Rien n’a beaucoup changé. Le féminisme est toujours un combat !

Isabelle Alonso : Le féminisme c’est de la politique, ce n’est pas de la biologie, pas de la psychologie. Si une femme arrive à diriger un pays, encore faut-il qu’elle le fasse sur des bases féministes, sinon cela ne sert à rien. Des nanas qui jouent le jeu du patriarcat, il y en a plein. C’est assez logique, car dans tout système de domination, il y a des dominés qui se mettent du côté des dominants, ils ou elles se disent que globalement c’est mieux payé, mieux chauffé, moins emmerdant.

Pour faire référence à la phrase de Simone de Beauvoir, est-ce qu’un homme naît féministe ou est-ce qu’il le devient ?

Il le devient. Si un homme se laisse couler dans les structures spontanées de la société telle qu’elle fonctionne, il devient forcément un machiste. Il y a des machistes gentils, mais machistes quand même. Comme nous le devenons tous. Même les femmes ont des attitudes machistes, car elles sont conditionnées dès le départ. On peut toujours dire à un enfant que les hommes et les femmes sont égaux, mais que voit réellement un enfant ? Il voit des injonctions permanentes qui emprisonnent les filles dans quelque chose d’aliénant et les garçons dans le rôle du dominant, c’est plus confortable, mais c’est aussi un enfermement.

Alors, l’éducation est la seule voie ?

Oui. Jamais mes parents ne m’ont dit quelque chose comme : « Une fille, ça ne fait pas ça ». Si un enfant constate des trucs qui ne vont pas et qu’il peut s’exprimer, il cultivera son sens de l’observation et de la critique. Il y a beaucoup de choses à changer également à l’école et dans l’attitude des profs. J’ai beaucoup parlé avec des jeunes filles humiliées par leur prof de sport par exemple, c’est incroyable ce mépris absolu pour leur manque de performance.

Le patriarcat est responsable de tout ?

Le patriarcat, c’est la prédation. Comme le colonialisme. J’arrive, je me sers, je jette, je passe à autre chose. C’est le même processus. Beaucoup de mecs sont très conscients qu’ils en mettent plein la gueule aux nanas, mais ils ne voient pas où est le problème. Le sort des 7 milliards d’humains est entre les mains d’une poignée de brutes en plein concours de bites. C’est vrai que j’ai le sens de la synthèse.